« Tinnitus », film brésilien de Gregório Graziosi

Marina, 30 ans, est une ancienne plongeuse professionnelle qui souffre d’acouphènes affectant son équilibre physique et mental. Éloignée des bassins depuis un terrible accident, elle décide de reprendre la compétition dans l’espoir de remporter une médaille olympique.

Photo : Allociné

C’est la scène d’ouverture qui donne son ton au film : images sous-marines de narvals sous la glace d’une part (qui ne survivent jamais à la captivité nous dit-on), magnifiées par des jeux d’ombres et de lumières (qu’on retrouvera plus tard, telle une métaphore des alternances entre moments de répit et de « nuisances sonores ») et sons étouffés d’autre part, assourdis comme sous l’effet d’une immersion sous l’eau, entrecoupés de grésillements. C’est cette première séquence qui donne son cadre et la teinte de sa tension au thriller psychologique qui suit : comment survit-on ? Comment s’extrait-on de l’enfermement dans lequel la vie nous entraîne parfois ?

Tinnitus nous plonge (c’est le cas de le dire) dans un univers élitiste très compétitif, celui du sport de haut niveau, en l’occurrence le très esthétique plongeon synchronisé. Fait de concurrence, de jalousie, de rivalité, et de lutte de pouvoir, ce n’est pourtant pas là où veut nous emmener le réalisateur. Ce cadre n’apparaissant qu’en toile de fond, il n’est en réalité que prétexte à explorer le rapport à soi-même : à ses performances, à son propre corps. Pour ce faire, Gregório Graziosi enquête, dans les troubles auditifs affectant Marina, plus que le dépassement (des autres) : la confrontation à ses propres limites, ici physiques, et au-delà de celle-ci, le surpassement de soi.. C’est ainsi le fait de (sur)vivre, qu’il étudie : Comment l’être humain réagit-il face à ses incapacités ? Comment vit-il les obstacles jonchés sur son chemin ? Comment accepte-t-il ces freins ? Ou comment les dépasse-t-il ? Quel risque est-il prêt à prendre pour franchir les barrières ? Ce sont tous ces questionnements qui emplissent l’écran pendant une des maladies mystérieuses d’après Gregório Graziosi. C’est le cas de Marina, cette athlète plongeuse dont le corps et la vie ont été transformés par une maladie qui la terrifie profondément.

La bande-son remarquable, qui sublime les déficiences physiques de Marina (faisant écho aux troubles sensoriels de la plongeuse en nous immergeant dans ses sensations auditives troublantes), entrecoupée de silences pesants, accompagne idéalement le film.

Enfin le film est servi par la belle photo, soignée, de Rui Poças. Rempli de tensions et de silences entre les personnages, Il s’agit d’un  thriller onirique avec des temps dilatés et des plans contemplatifs, Tinnitus ressemble à un film sportif, mais l’héroïne vit une peur maladive paralysante. Elle cache en elle un monstre invisible, traumatisme en même temps qu’elle se bat contre.

Alain LIATARD

d’après l’article de Claire Wilhem dans Salsa picante, le journal du festival Reflets de Villeurbanne.

À découvrir à partir du 5 juillet.