« Un Varón », un  film colombien de Fabián Hernández

Carlos vit dans un foyer du centre de Bogotá, un refuge où la vie est un peu moins rude qu’à l’extérieur. À l’approche de Noël, il aimerait simplement partager un moment avec sa mère et sa sœur. Mais la violence des rues de son quartier, où règne la loi du plus fort, ne cesse de le rattraper. Il doit alors faire un choix entre adopter les codes dominants d’une masculinité agressive ou embrasser sa nature profonde.

Photo : Allociné

En Colombie, dans les quartiers tenus par les cartels, être un bon « varón », autrement dit un vrai « le », est nécessaire, si l’on ne veut pas être exclus du marché sexuel et économique. Il faut pratiquer la violence pour être respecté dans le quartier ou simplement rester en vie. Carlos (Felipe Ramirez) en fera l’amère expérience. Il  veut d’emblée devenir un « varón » exemplaire. Se devant d’inspirer crainte et respect, le jeune homme soigne son apparence capillaire. Néanmoins, le déguisement ne prend pas. Carlos reste perçu comme l’antithèse du macho. Ni musclé, ni violent envers les femmes, n’aimant ni les armes ni les combats de coqs, il peine à s’intégrer au modèle du mâle dominant. 

Devenu dealeur, à la solde d’un des caïds du quartier, Carlos doit prouver qu’il est « un homme, un vrai ». Puis on lui commande d’assassiner un homme s’il veut sauver sa peau. Ses difficultés pécuniaires l’oblige à incarner un rôle qu’il déteste, de la même manière que sa sœur Nicole est obligée de se prostituer si elle veut simplement pouvoir survivre. La rue est devenue une véritable jungle où les cartels font la loi. Dans ces quartiers l’État n’existe plus et les plus pauvres doivent devenir les esclaves des maitres du coin. Cette douceur qu’il a en lui, Carlos devra-t-il l’abandonner ?

« J’ai commencé à écrire le projet du film Un Varón, explique Fabián Hernández, il y a dix ans déjà. J’ai grandi à Santa Fe, au centre de Bogotá en Colombie et j’avais envie de filmer ce quartier.   Quand j’étais plus jeune, je faisais partie d’un gang et je trainais aussi avec des groupes qui faisaient du breakdance et du hip-hop. Mon frère et moi étions ce qu’on appelle des « caspas » (des « racailles » en français). On répondait à tous les critères d’une masculinité très codée ! Un jour, j’ai vécu un événement très violent dans une des rues du Bronx, situé vers Los Mártires. Je l’ai interprété comme un signe. Il était temps que  je sorte de cette violence, des armes et de la drogue. »

Il ajoute « Il m’est arrivé de vouloir éviter la bagarre, mais je ne pouvais pas y échapper. Il ne faut pas oublier qu’il y a une économie et une productivité capitaliste qui gravite autour de ce phénomène. Je me rends compte aujourd’hui que je faisais aussi partie d’un engrenage économique. Par exemple, mes actions déclenchaient irrémédiablement l’intervention des policiers et des avocats, tout était lié. La violence m’était devenue insupportable. De la même façon que Carlos ne choisit jamais entre homme et femme, je ne voulais pas choisir entre fiction et documentaire. » Fabián Hernández a réussi un bon film. Il a soigné la photographie de ces quartiers pauvres face à l’action de cartels. Il sera d’ailleurs présent le 17 mars prochain au cinéma Le Zola à Villeurbanne pour présenter son film à l’occasion du festival Reflets du Cinéma Ibérique et Latino-américain.

Alain LIATARD

Un varón, drame de Fabián Hernández (Colombie, 2022), 1h22′. En salles à partir du 15 mars 02023. Retrouvez la bande annonce ici