

ÉDITORIAL
Devant l’aggravation de la pandémie du Covid-19 et malgré une vaccination massive, le gouvernement chilien a confiné la population et décidé la fermeture des frontières. Les élections municipales et régionales – initialement prévues le 11 avril – seront donc reportées au 15 mai. Lors de ce scrutin, les Chiliens devront également élire les 150 membres de la convention qui rédigeront la nouvelle charte constitutionnelle remplaçant celle instaurée par Augusto Pinochet en 1980. Ce processus constitutionnel historique a pu voir le jour grâce à la révolte de la jeunesse chilienne, qui a bravé la répression et obtenu l’adhésion d’une majorité de la population. Si les forces progressistes l’emportent, le pays s’acheminera vers un nouveau départ où l’avenir et le passé seront intimement liés.
Pour Tatiana Gaviola, réalisatrice du long-métrage La mirada incendiada (Le regard en flammes), l’affaire des « brulés vifs » est l’un des crimes les plus paradigmatiques de la dictature. Il revêt un lien clair avec la révolte récente, au cours de laquelle des centaines de jeunes Chiliens ont perdu les yeux à cause des tirs de la police. Ce film de fiction historique, qui sera diffusé en avant-première et en streaming, le vendredi 9 avril à 22 h (heure australe), est en ce sens un retour à la mémoire et une réflexion sur l’avenir. Le film retrace l’histoire de Rodrigo Rojas de Negri et de son premier retour au Chili depuis les États-Unis où il était parti en exil avec sa mère, Verónica de Negri. Celle-ci est une survivante de la dictature ; elle a subi la torture dans les geôles de Pinochet. Jeune photographe de 19 ans, Rodrigo Rojas de Negri est poussé par l’enthousiasme du réveil chilien ; il prend la décision de rentrer dans son pays natal.
En 1986, le Chili vit une explosion sociale. Dans les rues de Santiago et de tout le pays, la colère gronde et des milliers de manifestants exigent le départ de Pinochet. Le 2 juillet, une journée de Protesta Nacional est déclarée, la plus massive depuis le coup d’État de 1973. Deux jeunes gens, Rodrigo Rojas de Negri et Carmen Gloria Quintana, défilent parmi les manifestants quand ils sont encerclés par une patrouille militaire, frappés et arrosés d’essence puis brulés vifs, avant d’être abandonnés sur place par les agents de l’État. Après trois jours d’agonie, Rodrigo Rojas de Negri meurt de ses blessures ; Carmen Gloria Quintana survit mais reste marquée par des brûlures au troisième degré sur une grande partie de son corps. Ce tragique évènement a secoué les esprits à l’époque ; il est resté dans les mémoires comme un des épisodes les plus dramatiques de la dictature militaire, en dépit de tous les autres innombrables crimes commis pendant cette période.
Des acteurs reconnus jouent les rôles principaux : Juan Carlos Maldonado (El Príncipe, 2019), Catalina Saavedra (La Nana, 2009), Gonzalo Robles (Imagen Latente, 1988), María Izquierdo (Sexo con Amor, 2003), entre autres. Juan Carlos Maldonado, qui interprète Rodrigo Rojas de Negri, a déclaré à la presse : « Je crois que ce film est un apport à la mémoire de ce pays, à la justice, à la vérité et au cinéma. Il nous connecte avec le Chili actuel où de nombreux Rodrigo Rojas de Negri existent, tels Gustavo Gática et Fabiola Campillay, qui ont perdu la vue lors des manifestations de 2019 – 2020. Notre pays est construit sur la blessure ouverte de l’impunité, c’est pourquoi ces crimes peuvent encore avoir lieu ». La mémoire d’un passé tragique, qui ne cesse de revenir à travers ce film que des milliers de Chiliens confinés pourront regarder depuis chez eux, devrait aider au processus historique actuel, afin qu’une véritable démocratisation ait lieu dans le pays.
Olga BARRY
Éditorialiste
La prochaine newsletter : le 14 avril 2021
TICKETS EN VENTE ICI : LA MIRADA INCENDIADA - 9 avril - 22 h



