Le film « Vicenta B. » de Carlos Lechuga (Cuba-Colombie) en salle en octobre

La Havane, de nos jours. Dans la capitale cubaine, les rues se vident en raison de l’émigration massive des jeunes diplômés. Le fils de Vicenta Bravo, une « santera » ayant le don de prédire l’avenir, n’échappe pas à la règle et décide de partir vers de nouveaux horizons en allant s’installer à l’étranger. Un départ qui bouleverse considérablement Vicenta qui constate que le départ de son fils entraîne étrangement la perte de son don de voyance…

Photo : Allociné

Après les films Melaza (2013) et Santa y Andrés (2016) très bien accueillis dans les festivals du monde entier mais toujours inédits à Cuba, Carlos Lechuga s’intéresse cette fois à la religion cubaine. « Les crises mystiques, les problèmes de foi, les difficultés de communication, cela s’apparente surtout aux personnes de race blanche. Sauf que selon moi, ce sont des problèmes qui transcendent les origines ou les classes sociales. Et montrer ce trouble chez une femme noire de Cuba était l’une de mes envies premières. Un personnage confronté à une crise existentielle dans un film cubain. On n’a pas vu cela depuis longtemps… Ce que je voulais faire avec Vicenta B., c’était réaliser un portrait de femme. En perdant son don de voyance, Vicenta se retrouve seule. Elle n’a plus d’enfant, plus de travail et se retrouve démunie, comme une grande majorité de Cubains qui vivent sans savoir ce qu’ils vont faire. Premièrement, ils sont dans une survie permanente parce qu’avec le salaire moyen à Cuba, on vit très modestement. Deuxièmement, il y a une absence d’idéaux. À Cuba, il est difficile de se raccrocher à quelque chose. Les dirigeants n’ont que faire des besoins de la population et la répression est terrible. »

Pour le rôle de Vicenta, la productrice du film a proposé Linnet Hernández Valdés, qui est comédienne mais qui vit à Paris. Le casting s’est donc passé à distance. « Dès que j’ai entendu sa voix et surtout que je l’ai vue, j’ai eu une révélation. Vicenta, c’était elle. Elle porte littéralement le film sur les épaules et je n’aurais pas pu imaginer une autre actrice » explique Carlos LechugaLes cérémonies sont montrées sans folklore ni transe, très simplement car le film apporte un vrai soin au décor et surtout à la lumière. On passe de scènes feutrées dans des intérieurs plutôt sombres où se passent les rites et qui sont le monde de Vicenta à des séquences en extérieur avec une clarté importante qui est le monde de son fils qui quitte le pays. « Vicenta, ajoute encore le réalisateur, appartient à cette génération résignée, qui a vu ses aînés animés par un rêve avant de se rendre compte qu’ils s’étaient trompés. La nouvelle génération, celle des jeunes, préfère s’en aller vers de nouveaux horizons. » Le film n’est pas tendre sur l’avenir de Cuba ; soit il est nécessaire de se replier sur le passé et la religion, soit quitter l’île.

Alain LIATARD

Vicenta B., drame de Carlos Lechuga (Cuba-Colombie, 2022), 1 h 17 min. En salle dès le 11 octobre 2023.