« Freda », film haïtien de Gessica Geneus après Cannes, près de chez-vous

Ce n’est pas courant de découvrir des films en provenance d’Haïti. En effet la situation sociale du pays démontre une violence chronique.  En 2017, des milliers de personnes étaient dans les rues pour réclamer des hausses de salaires et protester contre des taxes frappant l’ensemble de la population. Cette crise sociopolitique et les émeutes violentes ont permis à des bandes criminelles de prospérer.

Photo – France 24 – Cannes 2021

Aujourd’hui, face à la déliquescence du pouvoir, à la faible présence des forces de police et à la corruption, la sécurité de la population n’est plus garantie. Cette situation a de nouveau été mise en évidence avec l’assassinat du président Jovenel Moïse le 7 juillet dernier par un commando armé. Avec Freda Gessica Geneus avait pour ambition première de faire exister un point de vue féminin sur la société haïtienne, très patriarcale. Freda habite avec sa mère et sa sœur dans un quartier populaire de Port-au-Prince. Face aux défis du quotidien en Haïti, chacune se demande s’il faut partir ou rester. Freda veut croire en l’avenir de son pays. «  Les femmes existent peu explique la réalisatrice,  et notre pays est monopolisé par les hommes. Je souhaitais le faire à travers la fiction car c’est avec elle que j’ai débuté lorsque je suis devenue comédienne à 17 ans. Je souhaitais également camper des personnages de femmes et tenter de comprendre leur complexité, liée à des choix humains qui disent ce à quoi les femmes et les hommes sont confrontés chaque jour en Haïti. Des questions basiques, concrètes comme comment faire chaque jour pour avancer et pour survivre ? »

Freda a majoritairement été tourné en langue créole. « Comme nous sommes une ancienne colonie et que le créole dérive du français, on m’invitait souvent à faire le film directement en français. Mais je ne voyais pas comment faire le film autrement qu’en créole, même au-delà d’un combat personnel ou d’un désir d’affirmation de ma négritude. Je dis négritude car pour nous, en Haïti, c’est le plus beau mot qui existe. Il fallait que Freda soit en créole. Il n’y avait pas moyen pour moi que ce soit autrement…On m’a régulièrement reproché d’avoir recours à trop de décors, trop de lieux, d’aller partout. Mais pour moi, il fallait aller là où Freda allait. Ces lieux font partie de son cheminement. Il fallait donc qu’ils existent. Tout comme l’extérieur. Nous ne vivons pas à l’intérieur de nos maisons d’abord parce qu’il y fait trop chaud et qu’il n’y a pas l’espace suffisant. Du coup nous vivons dehors. C’est notre culture. C’est pour cela que la caméra est souvent de l’autre côté de la rue quand nous filmons la maison de Jeannette. »

Nous avions dit notre intérêt pour ce film après sa présentation à Cannes en juillet dernier. Depuis, il a été présenté dans plusieurs festivals dont Les Reflets de Villeurbanne et Le Festival Lumière. Maintenant, il est visible dans les meilleurs cinémas.

Alain LIATARD

Details du film selon Allociné