Le 74e Festival de Cannes s’est terminé samedi 17 juillet avec la projection du dernier OSS 117 par Nicolas Bedos, et a couronné le film français Titane de Julia Ducournau, la deuxième femme à décrocher la Palme d’Or après Jane Campion en 1993 avec La leçon de piano. Cette édition fut celle des femmes, et pas seulement parce que les jurys parallèles étaient présidés par des réalisatrices. Les femmes cinéastes latinos ne furent d’ailleurs pas en reste.
Photo : Festival de Cannes
D’abord, il y a Clara Sola (Quinzaine des réalisateurs) de Nathalie Alvarez Messén, dont j’ai dit le plus grand bien dans la lettre précédente. Ce long-métrage retrace l’histoire d’une femme qui veut se libérer de la sainteté qu’on lui attribue pour s’ouvrir à la sexualité et à la nature. Comme l’a écrit Télérama, « le film oppose une séduisante créativité où le langage du sensible peut se déployer, un réalisme magique typiquement sud-américain et un rapport à la nature qui est, pour Clara, la seule vraie bénédiction ». La Civil, découvert au programme Un Certain Regard, consacré aux films de pays émergents, est réalisé par la belgo-roumaine Teodora Ana Mihai qui a situé son film au Mexique. Sortie pour une soirée avec son petit copain, Laura disparaît. Sa mère décide de traquer les délinquants qui l’ont kidnappée. Cette femme simple et modeste suit une trajectoire qui dessine en reflet le portrait de tout un pays et d’une société paralysée par la violence. Le film a obtenu le « prix du courage ».
Une mention spéciale a été décernée à Noche de fuego de Tatiana Huezo (Mexique) qui se déroule dans l’État de Guerrero, et raconte l’histoire d’une mère terrifiée qui tente à tout prix d’empêcher que sa fille adolescente ne soit kidnappée par des groupes armés. Elle lui coupe les cheveux pour la faire paraître androgyne et creuse un espace dans le jardin pour que les narcos ne la trouvent pas. À la Quinzaine, tout autre est Medusa d’Anita Rocha de Silveira (Brésil). Voici un film d’une énergie peu commune qui ne sera pas visible avant 2022. Mariana, 21 ans, vit dans un monde où elle doit être une femme pieuse et parfaite. Pour résister à la tentation, elle s’attelle à contrôler tout et tout le monde. La nuit tombée, elle se réunit avec son gang de filles et, ensemble, cachées derrière des masques, elles chassent et lynchent celles qui ont dévié du droit chemin. Mais au sein du groupe, l’envie de crier devient chaque jour plus forte. Ce film file à toute vitesse.
À la Semaine de la Critique, Amparo de Simón Mesa Soto traite à nouveau d’une mère colombienne qui veut éviter l’enrôlement de son fils dans l’armée en guerre. Elle est propulsée dans une course contre la montre dans une société où les hommes, la corruption et la violence sont rois. Le rôle de la mère est très bien interprété et l’on sent que le réalisateur se penche sur son passé. Memoria, du thaïlandais Apichatpong Weerasethakul (prix du jury) se déroule lui aussi dans la jungle colombienne et tourne autour d’une femme en proie à des hallucinations auditives.
La Sélection de la Cinéfondation comprenait cette année 17 films d’étudiants en cinéma choisis parmi 1 835 candidats en provenance de 490 écoles de cinéma dans le monde. Cantareira, réalisé par Rodrigo Ribeyro (Brésil) obtient le 3e prix ex-aequo. Concernant l’ambiance de ce Festival particulier, on a noté que les festivaliers étaient un peu moins nombreux. Et après le cafouillage de la billetterie des deux premiers jours – il fallait prendre ses places sur internet -, les entrées étaient fluides. Sur la Croisette se promenaient plus des juilletistes que des festivaliers. Il est vrai qu’étaient absents les touristes russes, chinois et étatsuniens. Le sous-sol du palais était pratiquement vide. Seuls les stands sur la plage étaient installés. À Cannes, La Bocca, à une petite demi-heure du Palais, a ouvert pour le Festival trois salles luxueuses et spacieuses du complexe Cineum, ce qui permettait de voir de nombreux films dans les meilleures conditions.
Je termine par la réflexion du réalisateur brésilien Kleber Mendonça Filho, membre du jury présidé par Spike Lee, qui a dénoncé auprès de l’AFP le « sabotage » de la culture au Brésil par le gouvernement Bolsonaro : « Au Brésil, 300 000 personnes travaillent dans la culture. J’en connais beaucoup qui vivaient de ça, dans l’éclairage, les décors… et maintenant ils travaillent avec Uber. C’est très triste. » Mais heureusement, on annonce déjà de nombreux films latinos dans les prochains Festivals comme Locarno, Venise ou San Sebastián. Malgré la pandémie, nous nous devons de continuer à défendre le cinéma et toute la culture.
Alain LIATARD
Films Latinos en salle en août
Secret de famille de Cristiane Oliveira (Brésil, France, 2020, 1 h 31). Joana, 12 ans, a besoin de percer un mystère. Pourquoi sa grand-tante Rosa est-elle décédée vierge ? Aidée par son amie Carolina, elle part en quête de réponses qui la mènera à vivre son premier amour hors des conventions et à découvrir sa véritable identité. Depuis le 4 août.
Summer White de Rodrigo Ruiz Patterson (Mexique, 2020, 1 h 25). Rodrigo, adolescent solitaire, a une relation forte avec sa mère. Les choses changent quand elle invite son nouveau petit ami à venir vivre dans leur maison, à la périphérie de Mexico. Rodrigo doit décider s’il peut accepter cette nouvelle famille ou se battre pour son trône, écrasant le bonheur de la personne qu’il aime le plus. Depuis le 18 août.
Les Sorcières d’Akelarre de Pablo Agüero (Espagne, France, Argentine, 2020, 1 h 30). Pays basque, 1609. Ana, Katalin et leurs amies sont brusquement arrêtées et accusées d’un crime dont elles ignorent tout : la sorcellerie. Missionné par le roi pour purifier la région, le juge Pierre de Rosteguy de Lancre ne doute pas de leur culpabilité. Il veut leur faire avouer tout ce qu’elles savent sur le sabbat, cette cérémonie diabolique au cours de laquelle Lucifer est censé s’accoupler avec ses servantes. Quoi qu’elles disent, on les appelle sorcières. Il ne leur reste plus qu’à le devenir. Depuis le 25août.
A. L.