Entre 1976 et 1983, l’Argentine vit au rythme d’une dictature civile-militaire qui fera 30 000 disparus. À quarante ans du coup d’État, alors qu’aux années d’impunité ont succédé des années de prise de parole et de passage de la justice, nous proposons un retour sur le travail de mémoire, par le sens (avec les sciences sociales) et par les sens (avec les arts).  Avec Ronde de mémoires, une artiste peintre, une cinéaste et une anthropologue-médiatrice artistique proposent une « boîte à outils culturelle » mêlant peinture et film documentaire, gravure et photographie, dessin et écriture, recherche et transmission, pour appréhender de façon confluente une thématique complexe, historique, mais aussi universelle. Ces trois femmes ont pour fil rouge la question de la résistance à la déshumanisation et à l’isolement génocidaire, en relayant le combat des Mères de la Place de Mai et celui des survivants des camps de disparition, et en interrogeant les solidarités possibles, les reconstructions du lien envisageables grâce à leurs moyens d’expression. L’exposition « Ronde de mémoires » du 2 novembre au 3 décembre 2017. Rencontre avec Michèle Lepeer les samedis 12 et 26 novembre de 14 h à 19 h. (Visite les samedis de 14 h à 19 h).

Les intervenantes

Nous abordons toutes les trois, mais chacune à sa manière, les questions de la mort, de la disparition, des traces et des mémoires. Nos approches confluent d’un point de vue éthique. Pour autant, nos outils sont différents. Ils nous ont semblé complémentaires. Ils nous ont semblé entrer en résonnance et s’enrichir mutuellement. Nous avions toutes trois envie de « nous emmêler les pinceaux » : de mêler nos moyens d’expression. Il s’agit de proposer au public différents angles d’approche de la mémoire de la dictature argentine, avec les questions vitales de droits humains qu’elle soulève, avec les questions universelles de dignité qu’elle met en balance.

Michèle Lepeer

Michèle est diplômée de l’Académie Royale des Beaux-Arts de Bruxelles en peinture (1975) et en gravure (1979). Artiste peintre et graveur, elle se penche sur des questions de droits humains et de dignité, par sa peinture, depuis les années 1990. Elle a multiplié les collaborations avec les enseignants, les chercheurs et des associations comme Amnesty International. Résolument figurative, sa peinture s’inscrit dans la filiation éthique et politique des peintres fresquistes. Michèle est une passionnée de la pédagogie et de la transmission. Elle intervient régulièrement dans des formations pour adultes et elle expose également au sein d’événements culturels, pour lesquels elle propose souvent des interventions auprès de collégiens et lycéens.

Cécile Verstraeten

Cécile, cinéaste formée à l’INSAS (Bruxelles), a réalisé divers films documentaires en France, en Belgique et en Amérique latine (Abuelita, réflexion poétique sur le deuil, tourné en partie au Mexique, et Victor, portrait d’un survivant de la disparition forcée, de son parcours de résistance et de mémoire, tourné à la Plata, en Argentine) ainsi que des courts-métrages de fiction (Cyclo et L’Arbre…). Dans le cadre de ce qui était déjà un projet collectif, elle a également réalisé plusieurs reportages sur l’humanitaire (L’Odyssée du volontariat). Ses activités ne se résument pas à la réalisation : elle a assumé l’image de plusieurs documentaires et assisté d’autres réalisateurs. Elle a animé des ateliers vidéos, et travaille pour un cinéma Art et Essai où elle se charge des projections et de l’animation pour les publics scolaires, les jeunes publics, les seniors, etc. Cécile a, par ailleurs, multiplié les expériences transdisciplinaires, en filmant de la peinture, en filmant des arts du cirque, en filmant avec une anthropologue… Extrait de sa filmographie : Victor, documentaire en co-réalisation avec Alice Verstraeten, portrait d’un survivant de la dictature argentine résistant à l’impunité, 49 mn. – DV cam., Dérives – Jean-Pierre et Luc Dardenne / WIP, Belgique, 2009. L’arbre, Fiction avec Lucien Maury et Ahmida Riffi, 12 mn, 35 mm, Les Films Sauvages – Jean-Christophe Soulageon , France, 2008.

Alice Verstraeten

Alice est docteure en anthropologie de l’Université Lyon II. Si elle a travaillé, depuis 2003, sur les modalités de la résistance à l’impunité de la dictature Argentine, son travail est toujours resté interdisciplinaire et tourné vers les arts. Son travail de « terrain » l’a amenée à participer à la vie quotidienne de l’association des Mères de la Place de Mai – Ligne Fondatrice à Buenos Aires (2004-2006) et à recueillir les témoignages de mères, de pères, de frères et sœurs, d’enfants de disparus, de survivants des camps, ainsi que de petits enfants retrouvés par les « Grands-Mères de la Place de Mai » (anciens disparus vivants). Ces témoignages sont le « terreau » de sa thèse de doctorat ainsi que de son livre Disparition et témoignage, Réinventer la résistance dans l’Argentine des « Mères de la Place de Mai » (Québec, PUL/ Paris, Hermann, 2013).