Un triple rendez-vous électoral les 15 et 16 mai prochains : les élections de l’Assemblée constituante, des régionales et des municipales…

L’élection de la Constituante élira les 155 membres qui devront rédiger la nouvelle Constitution du pays.  La rédaction d’une nouvelle Constitution est la possibilité pour les Chiliens d’instaurer un nouveau pacte social enterrant une fois pour toute la constitution de 1980 du général Augusto Pinochet. En 2020, comme conséquence de l’explosion sociale d’octobre 2019, plus de 80 % des Chiliens avaient voté favorablement à la question de mettre fin ou non à une charte héritée de la dictature militaire. Simultanément, l’électorat est appelé aux urnes pour des élections régionales et municipales.

Photo : La Croix

Prévue les 10 et 11 avril, cette élection a été reportée à cause de la crise sanitaire, laquelle plonge encore le pays dans une situation difficile pour affronter ce triple scrutin. Plus de 1300 candidats sont en lice pour l’Assemblée constituante ; ils représentent des partis traditionnels, des indépendants et minoritairement des représentants de mouvements sociaux. Ces derniers seront sous-représentés par le manque d’ouverture et de générosité des partis politiques, y compris de gauche. C’est dans un délai de neuf mois que les élus de la constituante devront présenter le nouveau texte fondamental avant 2022 où, lors d’un nouveau référendum populaire, les électeurs devront approuver ou rejeter la nouvelle Constitution. 

Il est à noter que la force du mouvement féministe et la pression de la rue pendant les manifestations de rue en 2019 et 2020 ont réussi à imposer un organe constituant paritaire, pour la première fois dans l’histoire du pays et dans toute la région. Par ailleurs, cette assemblée devrait garantir la participation des peuples indigènes, qui représentent 12,8 % de la population, et pourraient occuper 17 sièges sur 155. Pour la première fois aussi, depuis la fin de la dictature, les citoyens chiliens pourront élire les autorités de seize régions administratives du pays. Jusqu’à maintenant, ces représentants étaient nommés par le président de la République et leur autonomie était bien limitée.

Mais la plus grosse inquiétude vient de la participation de l’électorat, suite à la situation sanitaire provoqué par le virus du Covid-19, bien qu’un pourcentage élevé de la population ait été vacciné par le vaccin chinois, qui s’est avéré moins protecteur. Le Chili est le troisième pays ayant le taux le plus élevé de vaccination. La pandémie a provoqué approximativement 30 000 décès pour une population de 19 millions d’habitants et maintient près de 90 % du pays confiné et en quarantaine stricte les fins des semaines. 

À ce sujet, une étude de scientifiques des universités d’Oxford, Harvard et Catholique du Chili, publiée récemment dans la revue Sciences, affirme qu’une des plus graves maladies du Chili est l’inégalité. Leur analyse souligne que la propagation du virus Covid-19 et sa mortalité est trois fois supérieur dans les communes les plus vulnérables en comparaison avec celles ayant un niveau socioéconomique supérieur. Par exemple, cette étude dénonce l’absence de tests dans les communes les plus pauvres. Lors du référendum du mois d’octobre dernier, la participation fut de 51 %. La complexité d’un scrutin multiple et de la situation sanitaire font craindre une abstention importante. 

C’est grâce à l’action décidée et courageuse de la jeunesse et d’une majeure partie de la population qui a subi dans sa propre chair l’impact de la réponse répressive de l’État, que ces élections pourront avoir lieu. Elles peuvent changer la physionomie d’un des pays les plus inégalitaire du monde. Ce qui est en jeu revêt une importance majeure, ce scrutin est une occasion unique pour envisager un avenir où des critères plus démocratiques et une plus grande justice sociale s’imposent. Nous resterons attentifs aux résultats de ces élections décisives.

Olga BARRY