Lors du sommet ibéro-américain qui s’est déroulé le 22 avril à Soldeu en Andorre, le Mexique a appelé à une indépendance de l’Amérique latine pour l’approvisionnement en vaccins de la région et la Colombie a exigé l’union contre la « dictature» du Venezuela. La pression diplomatique se fait une nouvelle fois sentir dans la région à l’encontre du régime chaviste, malgré d’autres préoccupations liées à la crise sanitaire du COVID-19 qui ravage l’Amérique latine.
Photo : Andorra Municipalidad
Le sommet ibéro-américain est une rencontre entre les représentants politiques des pays hispanophones et lusophones du monde qui a lieu normalement tous les deux ans. L’édition 2020 avait été repoussée pour espérer réunir les dirigeants en présentiel cette année. Beaucoup ont été absents, comme le Salvador, le Nicaragua, le Brésil et le Paraguay. Cela n’a pas empêché le programme de la rencontre d’être vaste et ambitieux : le Venezuela a certes occupé une place majeure dans les discussions, tout comme les politiques de lutte contre la pandémie, ainsi que la reprise économique de la région qui doit être entamée sous peine de voir très prochainement une personne sur trois basculer dans la pauvreté.
Concernant l’acheminement des vaccins, le secrétaire d’État aux Relations extérieures du Mexique, Marcelo Ebrard, a proposé que la priorité soit donnée à ceux développés dans la région. L’Amérique latine et les Caraïbes disposent seulement de 8,6% des vaccins produits dans le monde ; certains pays comme Haïti n’ont pas distribué une seule dose de vaccin alors que d’autres comme les États-Unis ont déjà injecté 200 millions de doses. Le porte-parole du président mexicain invite par conséquent les pays d’Amérique latine à se détacher de leurs principaux fournisseurs, pour ne « plus jamais permettre que soit répété dans un futur proche ce que nous avons vécu ». Selon lui, il est donc nécessaire que toute l’Amérique latine soutienne davantage les projets de recherche sur les vaccins qui se développent à Cuba, au Mexique, au Brésil, en Argentine et au Chili.
L’Amérique latine représente 8% de la population mondiale, mais comptabilise 30% des décès dus à la pandémie. À ce stade, des prises de décision rapides sont donc nécessaires. C’est la raison pour laquelle la conclusion finale du sommet a été de lancer un appel à l’accès universel et équitable au vaccin. Pedro Sánchez a annoncé que son pays fournirait des doses de vaccin à l’Amérique latine, mais sans annoncer combien. Cette solution ne serait pas envisageable si la région veut justement se débarrasser de sa dépendance vis-à-vis des grands distributeurs mondiaux. Les dirigeants ont également évoqué la récupération post-Covid, car l’Amérique latine a déjà vu 7% de son PIB s’écrouler et ses taux de pauvreté commencent déjà à augmenter drastiquement.
Le président colombien Iván Duque a néanmoins demandé aux gouvernements ibéro-américains de ne pas négliger une autre crise majeure dans la région, celle du Venezuela, en les appelant à unir leurs efforts pour en finir avec la « dictature » de Nicolas Maduro. Son intervention se trouve justifiée par les évènements récents : les combats entre militaires vénézuéliens et groupes armés colombiens à la frontière, ce qui a créé de la tension entre les deux pays concernés et a généré des déplacements de population du Venezuela à la Colombie, un scénario déjà trop souvent répété. Iván Duque a lancé « un appel à des élections libres et à un gouvernement de transition » chez son voisin. C’est une véritable « crise humanitaire » que subissent les Vénézuéliens depuis 4 ans déjà ; Duque l’a qualifiée de « bombe à retardement » pour la région. La Colombie a accueilli 1,7 millions des plus de 5 millions de migrants vénézuéliens qui, selon l’ONU, ont fui la débâcle économique de l’ancienne puissance pétrolière.
Le gouvernement Maduro était représenté lors de ce sommet par sa vice-présidente Delcy Rodríguez, très mal accueillie par ses congénères masculins latinoaméricains, mais qui a répondu de façon virulente à leurs attaques. Iván Duque était en effet épaulé par tous ceux qui réclamaient non pas la présence de Delcy Rodríguez, mais bien celle de Juan Guaido, qu’ils sont nombreux à reconnaître comme président par intérim du Venezuela depuis le mois de janvier 2019. Le mandat intérimaire de Guaido a pourtant pris fin en janvier 2021. « Je ne peux pas accepter que participe la déléguée d’un gouvernement qui ne respecte pas l’éthique politique, ni la bonne gouvernance et encore moins les droits humains » s’est indigné Lenín Moreno durant les discussions. Leur homologue uruguayen a demandé lui au Venezuela d’ouvrir ses portes à la démocratie. Miguel Díaz-Canel, président de la République deCuba s’est tenu aux côtés du Venezuela comme à son habitude, appuyant ainsi les paroles de sa vice-présidente.
La prochaine édition du sommet ibéro-américain est prévue en 2022. Espérons que d’ici-là, des mesures drastiques soient prises pour la récupération économique de l’Amérique latine ; que celles pour son indépendance vis-à-vis des grands pays fournisseurs de vaccins soient appliquées ; et que l’on n’entende plus parler de « dictature » dans toute l’Amérique latine. Cette dernière question sera également abordée au cours du neuvième sommet des Amériques qui aura lieu aux États-Unis en 2021, et au cours duquel le Venezuela sera une priorité.
Julie DUCOS