Du 12 au 16 avril 2021, Martín Guzmán, le ministre de l’Économie argentin a réalisé une tournée dans différents pays d’Europe occidentale membres du FMI afin de renégocier sa dette envers l’institution de régulation monétaire internationale mais aussi envers son autre créancier européen le Club de Paris. Buenos Aires répète ainsi son incapacité à rembourser les prêts selon le calendrier défini.
Photo : Casa Rosada (Argentine)
La dette de l’Argentine, héritée principalement du mandat Macri est insoutenable et la pandémie a meurtri un pays déjà affaibli par deux ans de récession. Alberto Fernández, le président du pays depuis maintenant un an et demi a affiché une nouvelle fois l’ambition à l’égard de la reprise de son destin en mains par l’Argentine : « J’aspire à ce qu’on revoie tout, les taux et les temps pour payer la dette ». En effet, sur les 57 milliards de dollars que l’ex-président Mauricio Macri (2015-2019) avait contractés auprès du FMI pour financer la dette du pays, Fernández en a refusé 12 milliards de dollars un mois après sa prise de pouvoir. Le président argentin affiche néanmoins son inquiétude vis-à-vis de la dette que le pays ne parvient pas à rembourser, malgré sa volonté affichée de le faire : « la dette dont nous avons hérité est irremboursable ».
Cinq jours, quatre villes, deux dettes : Martín Guzmán, ministre de l’Économie de l’Argentine s’est rendu ce mois d’avril en Europe ayant pour but de trouver des compromis et des solutions au règlement de la dette de son pays. En effet, l’Argentine doit rembourser 2 205 millions de dollars en septembre puis 2 035 en décembre prochain à l’institution monétaire, mais également 2 930 millions de dollars au Club de Paris. Le Club de Paris est le deuxième grand créancier de l’Argentine. C’est un groupe informel de créanciers publics internationaux créé en 1956 dont le rôle est de trouver des solutions coordonnées et durables aux difficultés de paiement de pays endettés : ils leur accordent un allègement de dette pour les aider à rétablir leur situation financière. Ce n’était donc pas un simple voyage diplomatique qu’a entamé le ministre argentin le lundi 12 avril en Allemagne pour discuter avec le ministre allemand des Finances puis en Italie, en Espagne et enfin en France le vendredi 16 avril, une des étapes les plus déterminantes de sa tournée étant donné que la France se trouve à la tête du Club de Paris.
La tournée européenne de Martín Guzmán est donc un acte déterminant pour l’aboutissement des négociations de l’Argentine avec le FMI qui devait se clôturer au premier trimestre 2021, bien qu’on n’en connaisse pour l’instant pas les résultats immédiats. Le pays ne pourra d’ailleurs pas honorer l’échéance qu’il doit rembourser à son créancier qu’est le Club de Paris ce mois de mai, d’où la nécessité des négociations. Car selon les règles du Club de Paris, il n’y a, a priori, pas de refinancement de la dette possible sans accord préalable avec le FMI. Le montant du remboursement que l’Argentine doit au Club de Paris depuis le dernier accord scellé en 2014 a largement été gonflé par les taux d’intérêt suite à l’année 2019, année de crise financière pour l’Argentine qui avait alors cessé d’honorer ses paiements. Le pays cherche ainsi à retarder le paiement, le remboursement pouvant d’ailleurs être prolongé de deux mois, et à renégocier les taux d’intérêt. Le Club de Paris a fait une seule exception dans l’histoire, et il ne semble pas prêt à en faire une nouvelle pour l’Argentine. C’est la raison pour laquelle le ministre devait chercher le soutien des membres européens du FMI pour trouver un nouvel accord avec l’institution de Bretton Woods sur les 44 milliards de dollars versés au pays sous le gouvernement Macri. L’Argentine cherche ainsi à obtenir du FMI un rééchelonnement de sa dette démesurée, sur une période d’au moins dix ans.
La renégociation du programme avec le FMI, la dette envers le Club de Paris ainsi que la situation économique argentine en général et ses projections sont les thèmes que le ministre de l’Économie a abordés au Vatican avec le pape François, un ami de longue date, et à Rome avec Daniele Franco, le sous-secrétaire au Trésor du ministère de l’Économie et des Finances de l’Italie depuis 2021 et un groupe de onze chefs d’entreprise représentants de firmes italiennes renommées établies en Argentine comme Eni, Enel et Edesus, Ghella ou encore une branche de Pirelli. Selon des sources de l’ambassade de Rome, la rencontre avec Daniele Franco a été « très constructive ». Il semble que ce fut également le cas de sa rencontre avec le pape François : ils n’ont pas évoqué uniquement des problématiques argentines sinon également des problématiques de l’architecture financière et économique mondiale. Le pape François a toujours avancé la nécessité de changer quelques règles de l’économie mondiale pour aider les moins favorisés et les pays endettés, d’où cet intérêt pour Martín Guzmán de s’entretenir avec le pape.
Le G20 aura d’ailleurs lieu au mois d’octobre 2021 à Rome. La visite du ministre argentin a donc été stratégique pour les discussions qui auront lieu lors de cette rencontre au sommet. Avec le déplacement de son ministre de l’Économie en Europe, l’Argentine a en effet montré sa volonté d’arranger la chose et sa disposition à payer ce qu’elle doit à ses créanciers qui sont nombreux à être membres du G20 alors même qu’elle ne parvient pas à respecter le calendrier de remboursement de ses créanciers qui avait été convenu quelques années auparavant.
Julie DUCOS