La désillusion de l’Uruguay jusqu’alors épargné par l’épidémie

Ayant échappé aux différentes vagues épidémiques, l’Uruguay étaiperçu comme une exception sur le continent latino-américain. Pourtant, depuis quelques semaines, le voisin de l’Argentine voit ses taux de mortalité exploser. Frappées de plein fouet par l’épidémie, les classes moyennes et populaires voient aussi leur niveau de vie s’écrouler. Pour permettre aux Uruguayens de subsister, des actions de solidarité se développent de part et d’autre du pays, suppléant les aides étatiques promises mais toujours attendues.  

Photo : La Diaria

Avec 3 000 nouveaux cas par jour pour 3,5 millions d’habitants, l’Uruguay est proportionnellement l’un des pays du monde les plus affectés par l’épidémie. Le SINAE (Système International des Urgences) s’est empressé de décréter le seuil de gravité maximal pour alerter les autorités sur l’accroissement du taux de létalité. Ces dernières semaines en effet, les courbes ont crû de manière exponentielle, laissant envisager une occupation totale des lits sous 10 à 14 jours. C’est la vague épidémique la plus redoutable qu’a connue le pays depuis mars 2020. Selon Raphaël Radi, scientifique uruguayen spécialiste de la question épidémique, cette flambée des décès s’explique par de nombreux « retards dans la détection des malades critiques. »   

Une épidémie qui frappe avant tout les plus pauvres.  

Si les aides gouvernementales permettaient un temps de subvenir aux besoins des familles, elles sont insuffisantes aujourd’hui. C’est donc auprès des associations de solidarité que se tournent les plus démuni.es. Selon la coordinatrice de l’association populaire Olla (Marmite)plus de 44 000 personnes seraient dépendantes des repas distribués quotidiennement. Quant au directeur du groupe catholique Sembradores (Semeurs), il indique remettre 1200 assiettes par nuit, soit cinq fois plus qu’au début de la pandémie. À mesure que la crise sanitaire s’accentue donc, les problèmes sociaux s’aggravent. 

Un gouvernement qui s’engage mais ne tient pas parole  

Dans une conférence de presse donnée le 7 avril à Montevideo, le président Luis Lacalle Pou s’est prononcé en faveur d’une extension de la fermeture des écoles mais n’a proposé aucune mesure significative pour endiguer l’épidémie. Pour aplanir la courbe des contaminations, le gouvernement uruguayen compte en effet sur la réduction des mobilités et la prise de responsabilités des habitants. Pour la population uruguayenne ces annonces sont non seulement décevantes mais aussi insuffisantes. Puisqu’il martèle l’expression « blindar abril » (barricader avril) depuis plusieurs semaines, le président laissait espérer des mesures sanitaires plus ambitieuses. La ministre de l’économie Azucena Arbeleche avait aussi annoncé début mars un soutien de 200 millions de dollars aux associations caritatives, qui n’ont reçu à ce jour que 18 millions de dollars. 

Une aubaine pour le Parti Socialiste 

Ces manquements à l’ordre sont l’occasion rêvée pour le Parti Socialiste de rallier les plus démuni.es à leur cause. Le secrétaire du P. S. Gonzálo Civila s’était déjà exprimé fin août contre les mesures gouvernementales, les jugeant « partielles ». Selon lui, les aides ponctuelles sont incomplètes et ne s’attaquent pas aux « problèmes de fond » que connaît l’Uruguay. Nouveau porte-parole d’une population uruguayenne exsangue, le Parti Socialiste souhaite de la part de l’État un « apport substantif » plutôt que des subventions. Finalement, et ces propos nous permettent de le comprendre, la crise sanitaire est aussi un enjeu politique de taille. En ce sens, les semaines à suivre seront décisives en Uruguay comme ailleurs… 

Pablo GONZALEZ