Elections locales à La Paz début mars : une affirmation de l’indigénisme

Réunis en assemblée générale ce mardi 2 février, les dirigeants de l’alliance Jallalla La Paz ont décidé de choisir Santos Quispe comme candidat au poste de gouverneur de La Paz. Il remplacera son père, Felipe Quispe « El Mallku », décédé deux semaines plus tôt des suites d’un arrêt cardio-respiratoire à son domicile d’El Alto. 

Santos Quispe aura la lourde tâche, à un mois du scrutin fixé au 7 mars, de s’affirmer face à l’image de son défunt père qui était donné en tête des intentions de vote dans un premier sondage paru le 25 janvier. Felipe Quispe, qui aurait obtenu 25 % des suffrages et un matelas de 10 points d’avance sur le candidat du Mouvement vers le socialisme (MAS),  Franklin Flores, tirait essentiellement sa popularité de son bastion historique d’El Alto, dont l’électorat à majorité aymara est particulièrement sensible à ses thèses indigénistes. Avec 703 901 inscrits, El Alto représente 36% des électeurs du département de La Paz, soit le premier contingent de votants au niveau départemental. La capitale politique du pays, à l’électorat plus hétéroclite, compte quant à elle 645 000 inscrits, soit 31% des électeurs départementaux.

Santos Quispe, qui s’était publiquement porté candidat depuis plusieurs jours, bataillait contre une quarantaine de candidats déclarés. Après sa nomination, il a promis qu’il serait prêt à se « sacrifier » pour ses électeurs et les idéaux de son père. Dans la droite lignée de Felipe Quispe, la philosophie du fils Santos est essentiellement tournée vers l’indigénisme et peut être résumée par les termes qu’il a lui-même employés après son investiture en tant que candidat : « nous voulons nous gouverner nous-même, voir arriver au pouvoir les Quispe, les Mamani, les Condori [patronymes aymaras répandus], parce que nous sommes majoritaires, bien que nos noms soient déconsidérés ». 

Parti d’opposition historique, le Partido Demócrata Cristiano (PDC) vient d’annoncer de son côté le retrait de l’ensemble de ses candidats en raison des décès de trois de ses dirigeants nationaux, dus là encore à l’épidémie de Covid-19. Le PDC, qui avait successivement soutenu Chi Hyun Chung et Luis Fernando Camacho, deux pontes de la droite ultraconservatrice, lors des dernières élections présidentielles de 2019 et 2020, ne comptait toutefois dans ses rangs aucune figure notable à même de remporter un poste de maire ou de gouverneur. Quant à  Waldo Albarracín, ex-défenseur des droits et ancien président de la Universidad Mayor San Andrés (UMSA, principale université publique de Bolivie), il a récemment annoncé le retrait de sa candidature comme tête de liste aux élections municipales de La Paz. Le retrait de Waldo Albarracín, qui a justifié ce choix en s’appuyant sur de lourdes pressions politiques et son désaccord quant à la date du scrutin, entraîne de fait une rupture de l’alliance forgée entre Comunidad Ciudadana (CC) et UnidadNacional (UN), deux poids lourds de l’opposition, puisqu’il n’est désormais plus possible – pour quelque parti politique que ce soit – de remplacer un candidat démissionnaire. 

Carlos Mesa, leader de CC, a d’ores et déjà apporté son soutien à Ivan Arias, ex-ministre des travaux publics de Jeanine Añez et principal concurrent du candidat du MAS.  Le président d’UN, Samuel Doria Medina, pourrait rapidement faire de même, ce qui devrait finalement renforcer l’opposition. La famille du centre et de la droite arrive toutefois assez divisée lors de ces élections, en particulier dans le département de La Paz, et présente de sérieuses difficultés à émerger dans cette campagne. Alors qu’elle sort de mandats de dix et cinq ans dans les villes de La Paz et d’El Alto, elle y est pour l’instant donnée perdante au profit de César Dockweiler (MAS) et Eva Copa (Jallalla La Paz, ex-MAS). Il en va de même au niveau du gouvernement départemental, où le gouverneur sortant, Felix Patzi, risque de ne pas être reconduit, et où les figures de droite sont données en ballotage défavorable face aux candidats de la gauche indigéniste et du MAS.

 Toujours critiqué par l’opposition sur sa décision de ne pas reporter la date du scrutin, le Tribunal Suprême Electoral prévoit de son côté un protocole sanitaire semblable à celui des élections générales d’octobre 2020 afin de contenir les risques liés à l’épidémie. Habilitation de centres de vote supplémentaires. Horaires de vote élargis de 8 h à 17 h, avec mise en place de deux groupes d’électeurs séparés en horaires du matin et d’après-midi en fonction du numéro de carte d’identité. Assesseurs et présidents de bureaux choisis parmi la population majeure de moins de 50 ans. Formation renforcée des assesseurs et présidents de bureaux aux mesures de biosécurité applicables lors de la journée de vote. Présence de « guides électoraux » dans les centres de vote pour orienter les électeurs et réguler l’affluence de ces derniers.

Symbole de cette affirmation , le 18 octobre est déclaré « Jour de restauration de la démocratie »

Par la signature du décret suprême 4 459, le président Luis Arce a proclamé le 18 octobre « journée de restauration de la démocratie interculturelle en Bolivie » en référence à la date du premier tour des élections générales de 2020 qui a vu le MAS revenir au pouvoir , après près d’un an de transition institutionnelle menée par le gouvernement intérimaire de Jeanine Añez. Ce décret prévoit également que les autorités gouvernementales et les collectivités locales commémorent cette journée tous les ans par des activités célébrant «  les valeurs démocratiques, le rétablissement et la conservation de l’institutionnalité démocratique interculturelle ». Les critiques n’ont pas tardé à fuser du côté de l’opposition, en particulier chez les chefs de partis du centre et de la droite, Carlos Mesa et Luis Fernando Camacho. Le premier a ainsi dénoncé un « affront » contre les Boliviens ayant résisté à l’ « autocratie » d’Evo Morales, tandis que le second condamnait l’ « insulte » faite aux électeurs victimes de la « fraude » électorale du MAS en 2019. 

Claire DURIEUX