La cumbia et son incroyable voyage sonore américain

Envie d’une escapade en Amérique latine ? Pas besoin d’avion ni même de bateau : prenez vos enceintes et écoutez tout simplement de la cumbia. Elle a su traverser les montagnes, les fleuves et les rivières pour se retrouver dans chaque coin du continent. Elle s’est immiscée sur les platines latines avec succès et fait aujourd’hui danser le monde entier. Alors si par hasard vous êtes passés à côté d’elle, lisez la suite et elle ne sera plus inconnue pour vous. 

Photo : La Yegros

La cumbia est un des styles musicaux les plus en vogue du moment. Agée de plus de trois cents ans, elle a parcouru un long voyage américain, en passant de la Colombie à l’Argentine jusqu’au Mexique voire jusqu’aux États-Unis. Mais le continent américain ne lui suffit pas. Elle survole l’Atlantique pour être exportée en Europe, grâce à des artistes comme La Yegros et son tube Viene de mí, onze millions de vue sur Youtube, ou Celso Piña qui a composé un des tubes les plus célèbres de cumbia Cumbia sobre el río, 78 millions de vue sur Youtube. Elle y connaît un réel succès puisque même les DJ européens se sont mis à la mixer. Il est difficile de passer à côté de la célèbre reprise du titre Cumbia sobre el mar, faite par le groupe anglais Quantic, 40 millions de vue sur Youtube. 

La cumbia a la particularité d’être un genre musical et une danse. Elle est née dans la caraïbe colombienne au 17ème siècle durant la colonisation. Il existe plusieurs théories quant à son origine. Certains défendent une origine amérindienne, d’autres une origine africaine. Elle pourrait, finalement, être le résultat de la fusion des influences africaines, indigènes et espagnoles. 

À ses origines et encore aujourd’hui dans certains villages de la caraïbe colombienne, la cumbia se joue uniquement avec des tambours, des flûtes amérindiennes, la ‘’gaïta’’ et la flûte de ‘’milo’’ et de grosses calebasses. Le chant accompagne la musique. Il raconte le quotidien. La cumbia traditionnelle se danse en couple sous forme de ronde appelée « rueda de cumbia ». Les couples de danseurs entourent les musiciens et tournent autour d’eux au rythme de la musique. En principe, une « rueda de cumbia » peut se former dans n’importe quel lieu ouvert, plages ou rues. Mais, de plus en plus, les « ruedas de cumbia » sont organisées pour des événements spécifiques comme les festivals ou les carnavals. La cumbia est une danse de séduction. L’homme tente de conquérir la femme qui pour le faire fuir tient une bougie dans sa main et exécute des mouvements pour l’écarter.   

C’est à partir du 20ème siècle que la cumbia va commencer à se diffuser, d’abord en Colombie puis sur le continent américain. Ce sont les chanteurs colombiens qui sont les premiers médiateurs en allant directement se représenter à l’étranger. Mais c’est surtout grâce à l’arrivée du phonographe que la diffusion de la cumbia va exploser. C’est, dans les années 50 et 60, qu’elle se modernise. L’accordéon devient l’instrument typique et les musiciens la rendent plus dansante en simplifiant le rythme. Aujourd’hui, dans un morceau de cumbia, il est possible d’entendre de la basse électrique, de la trompette, de la clarinette voire des sons électroniques. 

Chaque pays dans lequel la cumbia s’est exportée a créé son propre style. Ainsi, au Pérou, a été créée la « Chicha » ou dite « Cumbia psychédélique ». Elle est marquée par des sonorités rock et électrisantes. L’Argentine a également sa propre « Cumbia argentina ». Le Mexique n’est pas non plus épargné par le succès de la cumbia. Sa diffusion démarre en 1950, avec l’enregistrement du morceau, Cumbia cienaguara interprété par le chanteur Luis Carlos Meyer. C’est à ce moment-là que va naître la cumbia mexicaine. La cumbia a été très populaire au Mexique et a connu de nombreuses formes : « Cumbia sonidera » née à Mexico City, « Cumbia colombiana » née à Monterrey. 

C’est le célèbre accordéoniste Celso Piña qui, grâce aux cargaisons de disques arrivées au Mexique dans les années 70, crée dès les années 80 la « Cumbia colombiana ». Il la nomme ainsi car elle se rapproche du style originel. Il popularise également la « Cumbia rebajada » où le rythme est ralenti et se repose sur l’accordéon et sur un racloir appelé ‘’guaracha’’. La voix est également souvent déformée. La « Cumbia rebajada » connaît au début du 21ème siècle un nouvel essor grâce à un groupe nommé Los cholombianos.

Ces derniers forment une sorte de tribu urbaine très atypique et marginale. Ils ont leur propre code vestimentaire composé d’un pantalon et d’un t-shirt larges. Ils ont leur propre coupe de cheveux : une frange et deux mèches gominées retombant sur les joues. Enfin, ils dansent la cumbia à leur façon, qui ressemble à un mélange de cumbia et de hip hop. Ce mouvement underground a connu son apogée dans les années 2000 à 2013 dans les quartiers populaires de Monterrey jusqu’à ce que le leader du groupe, Kolombia, soit assassiné par des cartels. En 2019, Fernando Frías de la Parra, a rendu hommage à ce mouvement avec le film Ya no estoy aquí (Je ne suis plus là, 2019) qui a eu de nombreuses récompenses notamment la mention spéciale délivrée par le jury Coup de Cœur du festival Cinélatino 2020. 

Stéphanie CAO