Élections équatoriennes : le corréisme passe au deuxième tour sans connaître son rival ?

Ce dimanche 7 février, le peuple équatorien s’est rendu aux urnes pour choisir un nouveau président et des députés. Parmi les 16 candidats à la présidence, le représentant du corréisme, Andrés Arauz est passé au deuxième tour, mais son rival n’est pas encore connu. Le candidat indigène Yaku Pérez et le conservateur Guillermo Lasso sont encore en train de se disputer la deuxième place. Á suivre…

Photo : El Pais de Cali

Les résultats des élections de dimanche ont surpris l’Équateur. Andrés Arauz allait vraisemblablement avoir un avantage notoire au premier tour (il a reçu 32,36 % des votes au moment de la rédaction), mais ce sont deux autres candidats dont personne n’attendait beaucoup qui ont créé la surprise. Tout d’abord, le candidat du parti indigène Pachakutik, Yaku Pérez, avec 19,72% des votes, devançant pour le moment le candidat de droite, Guillermo Lasso, favori pour confronter le corréisme au deuxième tour, en troisième place avec 19,59%. L’autre surprise de ces élections est le résultat du candidat débutant Xavier Hervas, un chef d’entreprise du secteur agricole et industriel, qui comptabilise pour le moment 15,97 % des votes, alors qu’il n’atteignait pas les 5% dans les sondages.

Des 16 candidats qui se sont présentés, eux-seuls ont obtenu un pourcentage supérieur à 2,2 %. Arauz, qui est sous la tutelle de l’ex-président Rafael Correa, revendique un programme politique qui remettrait en marche celui de l’ancien président. C’est-à-dire, augmenter les dépenses dans les secteurs sociaux, un contrôle plus important des ressources naturelles de la part de l’État, générer des programmes d’inclusion, etc. De son côté, Pérez propose également des programmes liés à la gauche, mais avec un écologisme plus marqué. Alors que le banquier Lasso diverge et propose au contraire des politiques plus conservatrices et néolibérales, comme la libéralisation du marché et une augmentation de l’exploitation des réserves de pétrole et de minéraux.

Mais même si le parti corréiste sort vainqueur de ce premier tour, la somme des trois autres candidats atteint plus de 55% (sans compter les votes annulés, blancs et d’autres candidats). Certains commentateurs considèrent cela comme un rejet historique du corréisme, sachant qu’en 2017, celui-ci avait reçu plus de 50% des votes lors des élections. Mais l’anti-corréisme est une créature amorphe, sans pieds ni tête. On y trouve des factions de la droite, du centre et de la gauche emmêlées, formant un brouhaha idéologique comme le montre la possible alliance entre Lasso et Pérez au second tour.

En effet, avant les élections, Guillermo Lasso et Yaku Pérez affirmaient que si l’autre passait au deuxième tour, il aurait son appui. Mais au cours de la journée suivant les élections, Pérez a accusé Correa, Lasso et Jaime Nebot (leader du parti Socialcristiano, qui forme avec le parti de Lasso la coalition de la droite) de comploter contre lui auprès du Conseil National Électoral (CNE). Le site du CNE, aurait selon lui publié des résultats incorrects, ce qui pourrait être un signe de fraude. Pour répondre à ces accusations, Lasso a enjoint Pérez à garder son calme et a ajouté via Twitter qu’il allait par conséquent retirer son appui au candidat indigène s’il celui-ci devait passer au deuxième tour.

Quoi qu’il arrive, le successeur de Lenín Moreno héritera d’un pays plongé dans une crise économique, politique et même idéologique. Pendant le mandat de Correa, le gouvernement a fait disparaître des millions de dollars, ce qui laissa le pays endetté, même après une époque où les profits du pétrole auraient permis de construire un fond de réserve considérable. Cela, ajouté à la crise économique liée à la pandémie et à la mauvaise gestion de Moreno, qui rapprocha le pays des États-Unis et du FMI, laisse un panorama très peu optimiste pour le prochain président, qui devrait aussi lutter contre la corruption. Celle-ci est fortement enracinée dans la politique équatorienne et reste infailliblement présente aussi bien avec la gauche que la droite au pouvoir. Pour le moment, le CNE continue à compter les bulletins et il est possible que les résultats officiels n’arrivent que dans quelques jours. Dans tous les cas, le deuxième tour se déroulera le 11 avril, soit neuf semaines après le premier.

Nicolás BONILLA CLAVIJO