Le magicien du cinéma cubain Juan Carlos Tabío, réalisateur de « Fresa y Chocolate » s’en est allé

Juan Carlos Tabío (1943-2021) est décédé le 18 janvier 2021 à La Havane, à l’âge de 77 ans. Il compte parmi les noms les plus importants du cinéma cubain pour ses comédies anthologiques, et sa capacité à dépeindre la réalité cubaine et ses contradictions, avec un langage humoristique et ironique qui invite à la réflexion.

Photo : Cinema Tropical

Le nom de Juan Carlos Tabío sera toujours associé à Fresa y Chocolate (1994), le seul film cubain nominé pour un Oscar et récompensé d’un Goya. Tabío le coréalisa avec son ami, le grand cinéaste cubain Tomás Gutiérrez Alea (1928-1996), alors que celui-ci était déjà très malade. « Magicien de la comédie traditionnelle cubaine » selon les mots du quotidien El País, Tabío se caractérisait par un formidable style empreint de ludisme et d’une apparente simplicité. Parmi ses films, peu connus en France, deux sont particulièrement remarquables : Se permuta (1983), une comédie sur les échanges d’appartements, puisque les locations n’étaient alors pas possibles à Cuba ; et Plaff (1988), qui dépeint les vicissitudes quotidiennes et surréalistes que les Cubains ont traversées depuis les années soixante. À propos de ce film, le cinéaste déclarait que « le critère selon lequel la comédie est un genre mineur est très répandu. C’est une erreur, car je pense que l’humour peut être un mécanisme pour pénétrer dans la réalité. Ici, il est utilisé pour révéler quelques clés de notre réalité actuelle, pour inviter à la réflexion et, bien sûr, pour divertir. Un travail ennuyeux est un travail raté. » 

« Ces manières et cet humour étaient sa marque de fabrique » a déclaré l’acteur Jorge Perugorría, qui incarnait l’homosexuel dans Fresa y chocolate, et qui a beaucoup tourné avec Tabío. « Je pense qu’il a été l’un des réalisateurs qui ont le plus fidèlement dépeint les Cubains. Il a réussi à faire une radiographie de l’identité nationale avec son travail, en soulignant son sens de l’humour corrosif, mais ce n’était pas un simple amusement. Il a utilisé la satire pour dresser un portrait de la société. » En visionnant Guantanamera (1996), dernier film réalisé avec Alea, ou La corne d’abondance (2009), le dernier de sa filmographie, vous verrez comment il est possible de rire des travers de la société.

Alain LIATARD