Étonnante déclaration de Jair Bolsonaro :« Le Brésil est en faillite. Je ne peux rien faire »

C’est par ces mots que Jair Bolsonaro s’est adressé à des sympathisants devant le Palácio do Planalto, le 5 janvier dernier. Afin de justifier son échec sur la réforme de l’impôt sur le revenu, l’une de ses promesses de campagne, le président a tenté de remettre la faute sur l’actuelle crise sanitaire et sur la presse qui le persécute. Aujourd’hui, le Brésil dénombre plus de 200 000 morts faisant de ce pays le deuxième pays le plus touché par l’épidémie dans le monde.

Photo : Tribuna Bahia

Le chef de l’État brésilien n’a cessé de nier la gravité de la pandémie et le démontre une nouvelle fois en prenant du retard dans la course aux vaccins. Le 17 décembre dernier, il s’adressait aux Brésiliens de cette manière : « Si vous prenez le vaccin et que vous devenez des crocodiles, je n’aurai rien à voir avec ça. » Cette phrase, en plus de générer un tollé sur les réseaux sociaux, illustrait à quel point il n’était pas enclin à organiser cette campagne de vaccination. Il a aussi ajouté qu’il ne souhaitait pas se faire vacciner afin de donner l’exemple.

Autre point montrant un manque de coordination, le président a arrêté l’achat de seringues nécessaires à la vaccination car jugées trop chères en ce moment. En conséquence, le pays ne sera pas en mesure d’administrer à ses citoyens les nombreux vaccins qu’il s’apprête à recevoir, faute de seringues. Quant au ministre de la santé, Eduardo Pazuello, interrogé sur la campagne de vaccination, il a répondu qu’elle commencerait au jour J, à l’heure H, sans en dire plus. Il aura fallu attendre le 17 janvier pour que le premier vaccin soit administré, plus de 20 jours après l’Argentine.

L’autre coup de tonnerre vient du géant de l’automobile américain Ford qui a décidé de fermer ses entreprises au Brésil, ce qui implique le licenciement de plus de 5 000 employés. Cette annonce vient ajouter un coup de massue sur le pays. Mais, selon certains économistes, le Brésil n’est pas cassé, il suffit de trouver un moyen de contrôler la dette publique qui ne cesse de croître. Le pays serait réellement cassé si le gouvernement ne réussissait plus à la rembourser, ce qui n’est pas encore le cas. Mais la situation nécessite une réelle organisation afin que l’endettement du Brésil ne dépasse pas son PIB, ce qui pourrait arriver en 2026 si les choses évoluent à la même vitesse qu’aujourd’hui.

La phrase de Jair Bolsonaro est grave, car elle montre un manque de stratégie de la part du gouvernement. Il y a de nombreuses choses que ce dernier pourrait mettre en place avant de dire que le pays est cassé et que rien ne fonctionne. Ce que nous voyons dans la gestion de la crise sanitaire comme dans la gestion de l’économie, c’est un pouvoir de plus en plus isolé qui peine à convaincre. Le président apparaît comme dépassé par la situation. Ces derniers jours, c’est l’hôpital de Manaus dans l’État Amazonas, une région fortement touchée par l’épidémie, qui a terminé toutes ses réserves d’oxygène, scellant ainsi le destin tragique de nombreuses familles brésiliennes et démontrant encore une fois le manque de coordination dans les hautes sphères de l’État en charge de la crise sanitaire.

Face aux récents événements qui se sont déroulés au Capitole aux États-Unis, le président brésilien a soutenu Donald Trump, coûte que coûte, en relayant les accusations de fraude de son allié idéologique. Cela a été l’occasion pour lui de lancer un débat sur le vote électronique en disant que « si nous ne revenons pas à un système de vote papier, nous allons avoir de plus gros problèmes qu’aux États-Unis ». Le problème est que le système de vote brésilien, en plus de lutter efficacement contre les fraudes, possède la confiance du peuple. Le chef de l’État s’est donc encore isolé un peu plus à cette occasion et va avoir fort à faire dans les prochains jours, car plusieurs partis d’opposition, le PT, le PCdoB, le parti Rede Sustentabilidade, le PDT et le PSB, viennent de lancer une 62ème demande d’impeachment tandis que le peuple brésilien se donne rendez-vous tous les soirs au balcon pour crier « Fora Bolsonaro », dehors Bolsonaro.

Etienne FAIVRE