Un magnifique roman de la colombienne Pilar Quintana, écrivaine féministe engagée

La Colombie a des écrivaines ! Cette phrase est de Pilar Quintana, écrivaine féministe qui déplore le peu de relief accordé aux écrivaines en Colombie. Le dernier livre La Chienne, de Pilar Quintana publié en France cette année, a eu une reconnaissance unanime des chroniqueurs littéraires qui louent la beauté de son écriture et le talent de narratrice de l’écrivaine.

Photo : Semana (Colombie)

Elle possède un diplôme de communication sociale de l’université Javeriana de Bogotá. Elle a écrit de nombreux scénarios pour la télévision et organise des ateliers créatifs dans le domaine de la littérature et de la publicité. Pilar Quintana est une grande voyageuse : l’Amérique du Sud, les Etats-Unis, l’Inde, le Népal, l’Australie, le Japon. Elle écrit dans de nombreuses revues. Mais surtout Pilar Quintana est l’auteure de quatre romans ou nouvelles : Cosquillas en la lengua (Planeta, 2003), Coleccionistas de polvos raros (Norma, 2007), Conspiración iguana (Norma, 2009), La perra (Random House, 2017), et une série de contes dont Caperucita se come al lobo (Cuneta, Chili, 2012). En 2007, elle fut sélectionnée par le Hay Festival parmi les 39 écrivains de moins de 39 ans le plus remarquables de l’Amérique latine. En 2010, en Espagne, elle a obtenu le VIIIe Prix des nouvelles La Mar de Letras pour Coleccionistas de polvos raros. En 2011, la Colombienne participe à une résidence d’auteurs, invitée par l’International Writing Program de l’Université d’Iowa et, en 2012, par l’International Writers Workshop de l’Université baptiste de Hong Kong. En 2018, son roman La Perra, reçu le Prix Bibliothèque de Colombie. Ses contes et nouvelles ont été traduits en plusieurs langues et ont été mentionnés dans de nombreuses anthologies en Amérique latine, États-Unis, Espagne, Italie, Allemagne et Chine. 

Pilar Quintana a commencé à écrire à l’âge de sept ans et, depuis une quinzaine d’année, ses œuvres sont publiées. Son dernier livre, La Chienne (La Perra, 2017, Random House, Bogotá) a été édité en France en 2020 par Calmann Levy, dans la belle traduction de Laurence Debril. Ce roman est une exploration du désir de maternité et des paysages du Pacifique colombien où l’écrivaine a vécu de nombreuses années. Elle interroge l’amour maternel et son inconditionnalité. La romancière laisse entrevoir la face sombre du lien maternel, profond, aigu, serein autant que violent, à travers le lien entre la protagoniste Damaris, femme infertile ou « desséchée » et sa chienne. Son récit interroge la conception de la maternité dans une région caractérisée par la fertilité des femmes.

L’écrivaine qui était enceinte pendant l’écriture de La Chienne, dit que cette œuvre « est un chant nostalgique dédié au Pacifique » où la vie est une lutte constante pour domestiquer les éléments de la nature sauvage. Au cours des pages on voit comment les protagonistes tentent de vivre au milieu d’une nature exubérante mais terrible. “Le Pacifique est la jungle où avaient fui les esclaves insoumis”, dit l’écrivaine. Le roman de Pilar Quintana interpelle. À travers l’adoption d’une chienne qui vient de naître, ouvre à peine les yeux, l’auteure explore le désir d’enfant de son héroïne Damaris. Elle porte aussi une culpabilité, une mort que la poursuivra toute sa vieElle vit dans une cabane de fortune avec Rogelio, un pêcheur, désarmé devant cette femme qu’il aime, sans parvenir à la consoler.

La pêche fournit l’essentiel pour la survie du couple. L’auteure montre cette vie difficile, entre mer et jungle. Les tempêtes ébranlent la cabane et rendent les rochers glissants, on peut disparaître si vite. Elle décrit comment la vie de Damaris a changé en caressant la chienne Chirli, animal sur lequel elle va transférer l’amour qu’elle aurait donné à l’enfant qui ne vient pas, malgré les chamanes et sorciers. Et puis, un jour, la chienne disparaît pendant plusieurs semaines et revient le ventre gonflé : elle donnera naissance à des chiots alors que Damaris restera « sèche » à jamais. 

La Chienne est un roman fort, l’écriture est belle, dépouillée, pour montrer la vie dans la jungle et le chagrin. Pilar Quintana a bien du talent. Elle vit désormais à Bogotá et définit le processus de création littéraire comme une des plus grandes forces de la nature qui la poussent à chercher des formes différentes et créatives de narration. « Je n’invente pas, je tergiverse » dit-elle.

Olga BARRY

La Chienne par Pilar Quintana, traduit de l‘espagnol (Colombie) par Laurence Debril, 127 p., 17 euros.