Venezuela : apparente accalmie dans l’œil de l’ouragan en attendant les législatives fixées au 6 décembre

Le pays pétrolier traverse une période de transition déterminante pour son avenir. Nicolás Maduro prépare les élections législatives, alors que son rival et président autoproclamé, Juan Guaidó, plonge dans un océan d’incertitudes et refait surface suivant les directives de Washington.

Photo : De Caracas

La situation extrêmement compliquée permet-elle de qualifier l’annonce des élections législatives comme le début de la fin de l’administration chaviste ? La réponse à cette question reste ouverte, surtout après que le député et président intérimaire Juan Guaidó (reconnu comme tel par une soixantaine de pays dont la France, la Grande Bretagne et les États-Unis) s’est effacé progressivement des écrans médiatiques faute d’avoir pu renverser le dictateur Nicolás Maduro. Cependant, si l’on tient compte du soutien des États-Unis, Guaidó reste toujours une alternative concrète au pouvoir chaviste, même si sa popularité est contestée au sein de son propre camp. Il donne l’impression de jouer littéralement le rôle de joker car, comme la carte, il a la valeur que lui donne celui qui la possède, à savoir le gouvernement de Donald Trump. Après avoir concentré sur lui les spots-light de la presse internationale pendant des mois, tout porte à croire, en effet, que le jeune député est en train de reprendre des forces pour revenir sur la scène politique ragaillardi de la main de l’Oncle Sam.

C’est au moins ce qu’a laissé entendre Elliot Abrams lors des plus importantes déclarations de ces derniers jours. Durant une audience au Sénat, l’envoyé spéciale des États-Unis au Venezuela n’a pas laissé place au moindre doute sur la continuité du gouvernement Maduro : « Nous espérons qu’il ne reste pas au pouvoir d’ici la fin de l’année et nous travaillons très dur dans ce sens. » a-t-il assuré tout en exhortant l’Union européenne et les pays latino-américains à imposer plus de sanctions contre la dictature chaviste.

En ce qui concerne les prochaines législatives, Abrams a assuré que ces élections ne changeront absolument pas le statut conféré par son pays à Juan Guaidó : « Notre politique c’est la reconnaissance de Guaidó en tant que président, et nous le soutiendrons même après ces élections législatives corrompues ». Et si ces dernières semaines la possibilité d’un dialogue avec Maduro a été envisagée, le représentant de Washington s’est montré catégorique : « Avec Maduro, nous sommes disposés à parler de sa sortie. S’il veut rester au Venezuela ou s’en aller, mais d’aucune façon nous n’envisageons son maintien à la tête du pays. »

Juan Guaidó reste donc le cheval de bataille de Washington. On peut déduire alors que si chacun de leur côté, Trump et Maduro se sont déclarés disposés au dialogue, cette tentative de rapprochement était la dernière instance, l’étape logique qu’il fallait brûler avant de déclarer la bataille finale de cette guerre de paroles qui repose sur des intérêts géopolitiques. Si la rencontre avait lieu, qu’est-ce que Trump pourrait proposer à Maduro ? Une retraite dorée dans une île secrète, en échange d’une sortie pacifique de la crise et le droit d’ingérence pour exploiter le sous-sol le plus riche en carburant de la planète.

En réalité, il est difficile de prédire quel sera l’avenir de Maduro, surtout quand l’issue de la situation est tributaire du caractère contradictoire de l’«imprévisible » locataire de la Maison Blanche. C’est le « Président Flip Flops » (le président Girouette) comme l’appelle sur son site une entreprisse en ligne qui exploite ce filon. Cependant, si on regarde son action en prenant un peu de recul, on peut constater que les contours du plan de Trump se dessinent nettement malgré ses positions changeantes. Ses contradictions rappellent la course d’un voilier : il vire à babord au gré de la poussée des courants, puis en s’accommodant de la direction du vent politique il tweete et tourne à tribord. 

Ainsi, cette navigation estimée suit une trajectoire en zigzag mais, dans l’ensemble, sa course folle le mène tout droit au point d’arrivée. Voilà l’orthodromie élémentaire de Trump définie par son cap qu’est sa réélection en novembre prochain. Et pour réussir son pari il doit avant tout rassurer les électeurs de la Floride du départ de Maduro, un État clé dans les suffrages. Pour ce faire, il n’a pas hésité à déclarer que « le Venezuela fait partie des États-Unis », certainement en vertu des droits de domination sur le continent que la plus ancienne démocratie moderne s’arroge depuis plus d’un siècle* et que les gouvernements latino-américains, populistes écervelés gangrenés par la corruption, contribuent à justifier.

À présent, les relations entre Washington et Caracas se trouvent dans le pot au noir. Pendant ce temps, alors que la pandémie n’a pas encore atteint le pic des contagions (comme partout en Amérique latine), Nicolás Maduro organise les élections législatives malgré l’appel au boycott lancé par les principales forces de l’opposition.  En syntonie avec l’émissaire de Washington, Elliot Abrams, ce scrutin a été qualifié de « farce » par le Parlement, la seule institution du pays encore contrôlée par l’opposition.

Et pour cause : en juin dernier, les nouveaux membres du Tribunal suprême de justice (TSJ) ont été nommés à la tête du Conseil national électoral, chargé de superviser les élections et accusé par l’opposition de connivence avec le pouvoir chaviste. Or, depuis 2016, le TSJ ne reconnaît pas les décisions prises par le Parlement, et avec le retrait de l’opposition, Maduro peut récupérer la majorité de la plus importante institution du pays. De son côté, lors d’un communiqué diffusé le 3 août, le bureau des affaires extérieures des États-Unis (Foreign office), a approuvé la décision d’une trentaine de partis de l’opposition de ne pas participer à l’élection du 6 décembre.

Comme on peut le constater, dans ces conditions il est extrêmement difficile de visualiser avec totale certitude une sortie pacifique à cette crise socio-politique. En attendant, il est toujours instructif de revenir là où tout a commencé, pour ne pas oublier: « Une des fonctions élémentaires d’un gouvernement est la distribution égalitaire des revenus et des richesses. Sinon, comment rendre heureux un peuple pauvre et chômeur ? » (Hugo Chávez, janvier 2001).

Eduardo UGOLINI

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*Lire l’article publié le 1er août 2020 : Duel Trump-Maduro : vers une « sortie pacifique » de la crise vénézuelienne ?