Ojo Loco, le festival grenoblois de cinéma s’est tenu à distance cette année : un bon pari

Cette année, la huitième édition du festival de cinéma ibérique et latino-américain créé en 2013 par l’association Fa Sol Latino, s’est tenue à distance afin que le travail fourni par l’équipe pendant toute l’année ne soit pas perdu.

Photo : Ojo Loco

Les organisateurs ont sélectionné 10 « coups de cœur » à visionner en ligne, le principe étant de proposer un film ou une activité chaque jour, pendant toute la durée du festival, entre le 31 mars et le 12 avril. Cela ne remplace pas les rencontres que suscite généralement le festival, mais a permis de garder un lien avec le public.

La programmation du festival a été riche. Ce dernier s’est ouvert sur Mirante, un film brésilien réalisé par Rodrigo John et dont l’action se passe à Porto Alegre, au moment de la destitution de la présidente Dilma Rousseff. Le film argentin Un monsieur très vieux avec des ailes immenses, inspiré du roman du même nom de Gabriel García Marquez, a été projeté pour la clôture du festival.

Une sélection de quatre films dans la catégorie fiction, a plongé le public confiné dans des univers variés.  En medio del laberinto, du Péruvien Salomón Pérez, évoque le passage à l’âge adulte d’un jeune skateur, tandis que le film argentin La afinadora de árboles de Natalia Smirnoff, suit le personnage de Clara, lors d’un retour aux sources qui remet en question ses choix de vie. Un autre long-métrage argentin, Infierno Grande, d’Alberto Grande, fait vivre au spectateur le parcours en camion à travers la pampa délabrée, de María, qui s’échappe de son quotidien violent, alors qu’elle est enceinte. Enfin, Sirena, du Bolivien Carlos Piñero, raconte un choc entre culture aymara et occidentale : en 1984 au bord du lac Titicaca, on recherche le corps d’un ingénieur disparu dans un accident de bateau. On le retrouve dans la communauté aymara qui ne veut pas leur rendre le cadavre…

Du côté des documentaires, les thèmes sont variés aussi. L’enthousiasme, de Luis E. Herrero, raconte la période de la Transition en Espagne, à travers l’histoire d’un syndicat anarchiste. Baracoa, de Pablo Briones et The Moving, nous emporte dans la campagne cubaine, où les questionnements et évolutions de deux jeunes garçons offrent le témoignage d’une période de transition de la société cubaine. Un autre documentaire espagnol, Operació Globus¸ retrace la quête de Jou, pour retrouver le camion d’un voyage vieux de 40 ans, tandis que Días de Temporada, de l’Argentin Pablo Stigliani, porte la caméra sur le quotidien de travailleurs des plages sur la côte atlantique de l’Argentine.

Le festival Ojo Loco à distance a aussi organisé une soirée de courts-métrages, et deux conférences « brunch-canap ». La première concernait l’actualité politique en Amérique latine, analysée par Franck Gaudichaud, professeur en histoire et civilisation de l’Amérique latine contemporaine à l’université de Toulouse. La conférence a retracé l’évolution politique de la région depuis le « tournant à gauche » initié par l’élection en 1998 d’Hugo Chávez jusqu’aux turbulences actuelles, plutôt marquées par un retour de la droite, ainsi que par un renouveau des mobilisations collectives et des révoltes populaires.

La deuxième conférence a donné la parole au réalisateur Domenico Lucchini, directeur du Conservatoire international des sciences audiovisuelles. Celui-ci a rendu hommage à Fernando Birri, un cinéaste, poète, homme de lettres, pédagogue et théoricien du cinéma qui a inspiré de nombreux cinéastes latino-américains.

L’accès aux films, a été organisé selon un système de pass : pour la somme raisonnable de huit euros, on pouvait accéder à tous les films « coup de cœur ». Le public confiné a pu voter pour son film favori dans chaque catégorie. Les prix ont été décernés, au court-métrage Mamapara-Madre lluvia réalisé par Alberto Flores Vilca (Pérou), au documentaire Operació Globus, et à la fiction Infierno Grande.

Le festival à distance est désormais clôturé mais l’équipe espère pouvoir reporter une partie du festival à une date ultérieure. En attendant, certains contenus restent accessibles, notamment deux expositions partenaires du festival, à trouver dans la catégorie « Expositions » de leur site Internet. L’expo-photo #chiledespertó, (Le Chili s’est réveillé), donne à voir les mobilisations qui ont lieu depuis le 17 octobre dernier contre le gouvernement de Sebastián Piñera. L’exposition a été organisée par des élèves et une partie de l’équipe pédagogique de Sciences Po Grenoble.

L’exposition croisée Huellas de Vida (Traces de vie), part des clichés d’Alain Licari, pris au cours de ses voyages à travers le monde, auxquelles font écho six œuvres de l’artiste plasticienne Kicsy Abreu Stable. L’artiste cubaine répond aux clichés du photographe par les thèmes qu’elle évoque, et par sa technique, qui s’inspire du négatif photographique. Mais surtout, l’équipe d’Ojo Loco continue de proposer à son public confiné des films latino-américains tous les mardis avec l’initiative Ciné-mardi, qui rend accessible un film par semaine, et ce jusqu’à la fin du confinement. À retrouver sur le site www.ojoloco-grenoble.com ou sur leur page Facebook.

Félicitations à l’équipe pour sa capacité d’adaptation, en espérant pouvoir bientôt se retrouver dans un cinéma pour partager et échanger autour de la culture latino-américaine !

Laure DESJUZEUR