Luis Eduardo Aute, icône des arts hispano-américains, est mort à Madrid le 4 avril dernier

Le samedi 4 avril, à Madrid, une des voix les plus importantes de la chanson espagnole s’est éteinte. L’artiste Luis Eduardo Aute (musicien, poète, sculpteur et peintre) est mort dans un hôpital de Madrid quatre ans après avoir souffert d’un infarctus cérébral qui l’avait éloigné définitivement de la scène. Il aura marqué toute une génération par son engagement et sa sensibilité artistique, en Espagne comme en Amérique latine, où des centaines d’artistes ont honoré son départ en chanson.

Photo : Revista Ronda

Aute est né à Manille en 1943 et y passe son enfance. Il retourne avec sa famille à Madrid en 1954. Depuis son plus jeune âge, il montre un intérêt particulier pour la peinture et la musique. En 1963, il déménage à Paris où il découvre un monde artistique et littéraire quasi inconnu pour un jeune ayant grandi dans l’Espagne de Francisco Franco. Il commence à vivre, peu à peu, de son art et plus particulièrement de ses peintures, vendues jusqu’aux États-Unis. Il entre également dans le monde du cinéma et participe notamment à la production du film Cleopatra de Joseph L. Mankievicz.

Lors de ses premières implications dans le monde de la musique professionnelle, il écrit des chansons pour d’autres artistes plus connus, comme l’Espagnol Massiel. Il refuse cependant d’interpréter ses chansons puisqu’il souhaite dédier son temps à la peinture et non pas à la musique. À la fin des années 1960, il finit par publier ses premières chansons et en 1968 il enregistre son premier album. 

Parmi ses chansons les plus connues internationalement, on retrouve notamment « Al alba », paru dans son album « Albanta » de 1978. Cette chanson est une sorte d’ode ou élégie aux dernières victimes du franquisme exécutées le 27 septembre 1975. Jusqu’à aujourd’hui, elle reste un hymne de revendication et de protestation contre la dictature. Selon les Latino-Américains, il fait partie du mouvement des artistes révolutionnaires de la « canción protesta », qui a marqué la scène artistique du continent dans les années 1950 en dénonçant  les régimes de droite du « Plan cóndor ». 

À Madrid, en 1993, il participe à un concert mémorable avec le chanteur cubain Silvio Rodríguez, immortalisé dans l’album « Mano a Mano ». Il a également participé au premier concert emblématique de « Todas las voces todas », organisé à Quito par la Fondation Guayasamín, auquel ont aussi participé des sommités telles que Mercedes Sosa, Inti-Illimani, Isabel & Ángel Parra, León Gieco, Piero, Alberto Plaza, Silvio Rodríguez, et beaucoup d’autres.

Au cours de sa vie, il réalise des dizaines d’albums et publie près d’une dizaine de livres de poésie. Par ailleurs, il a été réalisateur, scénariste ou compositeur dans une vingtaine de films et a été au cœur d’une quarantaine d’exposition de peinture dans plusieurs pays du monde.

En 2016, il est victime d’un infarctus cérébral qui le plonge dans le coma pendant deux mois. Après cette épreuve, il ne retournera plus sur scène et restera auprès de sa famille. Le 3 avril dernier, il est interné dans un hôpital à Madrid et y meurt le lendemain, laissant derrière lui un des legs polyvalents engagés les plus importants de la scène artistique hispano-américaine. Pour commémorer son départ, des centaines d’artistes ont chanté, depuis leur lieu de confinement, en son honneur.

Nicolás BONILLA CLAVIJO