Récemment libéré, le leader de l’Union patriotique de Cuba annonce qu’il ne respectera pas les mesures imposées

Vendredi 3 avril, José Daniel Ferrer, leader de l’Union patriotique de Cuba, a été libéré après avoir été condamné à 4 ans et demi de détention à domicile. Il y a 6 mois, en octobre 2019, il avait été emprisonné pour, selon les autorités cubaines, des « faits de violence ». Les États-Unis l’avaient considéré comme un prisonnier politique et l’Union européenne avait explicitement demandé sa libération et dénoncé la torture et les mauvais traitements dont il aurait souffert. 

Photo : 14ymedio

Quelques heures après la libération du leader politique, le journal en ligne cubain 14ymedio a pu s’entretenir, par téléphone, avec lui. José Daniel Ferrer a réitéré son engagement pour la cause qu’il a toujours défendue malgré les mesures qui lui ont été imposées par le tribunal, qui vont de l’interdiction de quitter la municipalité à l’obligation de ne participer à aucune activité que le gouvernement considérerait comme illégale. Au cours des 12 dernières heures, le téléphone de José Daniel Ferrer n’a pas arrêté de sonner. Depuis qu’il a été libéré, ce vendredi, après avoir passé 6 mois en prison, le leader de l’Union patriotique de Cuba (Unpacu) répond aux appels de parents et d’activistes mais a aussi accepté de s’entretenir avec 14ymedio pour parler de son enfermement et de ses prochains projets.

Dans les images qui ont circulé sur Internet après votre libération, vous semblez très mal en point et maigre, ce qui contraste avec la version officielle concernant votre condition physique. Comment vous sentez-vous ?

Je ne me suis pas encore regardé dans un miroir et j’ai peur de me voir parce que tous ceux qui me voient me demandent si je reviens d’Auschwitz ou d’un autre camp de concentration mais je réponds que « le meilleur de l’œuf n’est pas la coquille » et, à l’intérieur, j’ai plus d’énergie que jamais, plus d’énergie que jamais pour en terminer avec la tyrannie et atteindre la liberté et la démocratie, avec beaucoup d’autres bons Cubains. 

Vous avez subi beaucoup de pressions vous poussant à abandonner le militantisme ? 

J’ai toujours dit [aux officiers de la Sécurité de L’État] qu’on pouvait me condamner à 100 ans de prison, me torturer ou même me tuer, me rendre n’est pas une option ; ce n’est pas une possibilité et j’en suis désolé, ils ont perdu. 

Comment se sont passées les quelques heures précédant votre libération ?

Ce vendredi, ils m’ont attaché les mains et les pieds et m’ont emmené, avec les trois autres militants, dans ce qu’ils appellent des tribunaux, mais il n’y a pas de tribunaux à Cuba.  Là-bas, on nous a lu la sentence et on nous a déclaré coupables. José Pupo a été condamné à cinq ans, Fernando González à trois ans et huit mois, et Roilán Zárraga à trois ans et six mois, plus un an qu’on lui a ajouté pour un délit qu’il n’a pas commis, soit quatre ans et demi. Dans mon cas, la peine était de quatre ans et demi de prison.

On nous dit que le tribunal avait décidé que cette peine de prison se ferait sous condition de « limitation de la liberté » pour la même durée, ce qu’ils appellent la détention à domicile, nous sommes donc soumis aux règles que ce type de mesure implique. Nous devons nous présenter au tribunal une fois par semaine, nous ne pouvons pas quitter la municipalité sans autorisation, nous ne pouvons participer à aucune activité qui constitue un crime. En suivant ces règles, il n’y a pas d’activisme possible car si notre sanction est révoquée, nous retournons en prison. Mais je vous préviens, je ne me conformerai en aucune façon à ces mesures, je ne me conformerai à rien de ce que le tribunal communiste impose. 

La sentence vous a-t-elle été communiquée par écrit ?

Lorsqu’ils ont appelé les trois autres militants, ils leur ont remis une copie de la sentence, une convocation pour se rendre au tribunal le 22 avril prochain et leur ont dit qu’ils devaient signer pour la remise de ces documents. Quand ils m’ont dit la même chose, je leur ai dit que je n’allais rien signer et je les ai prévenus que je ne n’allais me soumettre à aucune mesure imposée par le tribunal. Pour avoir refusé de signer, ils ne m’ont donné ni la convocation ni la sentence. Les autres militants ont bien reçu la sentence mais lorsqu’ils sont revenus à la prison, elle leur a été retirée de force. La police politique a envoyé les gardes pour leur retirer leur peine. 

Cela se fait-il aussi dans d’autres cas ?

Le juge, en bon instrument de tyrannie, a été assez maladroit, quand allait commencer la lecture, il a dit que la conduite au tribunal pour nous communiquer la sentence de manière verbale avait été faite à cause de la dimension internationale que notre affaire avait eue (habituellement ils envoient la sentence à la prison). 

Avez-vous été autorisé à parler devant le juge ?

J’ai pu faire une chose qu’en 2003, lorsque j’ai été condamné pendant le Printemps noir, je ne pouvais pas faire parce qu’on m’avait retiré le droit de parler : cette fois, même si j’ai été interrompu à plusieurs reprises, j’ai parlé – petit à petit – et j’ai fini par leur dire « c’est moi qui accuse ici ».

À la bonne nouvelle du communiqué, s’ajoute la triste nouvelle de l’émigration d’une partie très importante des membres de l’Unpacu.

Les militants Carlos Amel Oliva et sa femme Kata Mojena sont partis aux États-Unis en raison d’une série de complications créées par l’ennemi. Amel a pris cette décision avec sa famille mais a dit qu’il ne partirait que s’il pouvait me parler d’abord. On lui a donné sept minutes pendant lesquelles on devait se parler à l’oreille. J’ai compris que, oui, il valait mieux qu’ils partent car ils étaient en grand danger. Son frère, Ernesto Oliva, les a accompagnés. Ils jouent toujours un rôle fondamental dans l’organisation et je suis sûr qu’ils continueront à travailler où qu’ils soient.

D’après 14ymedio
Traduit par Anouk Vinci