« Trois étés » de la Brésilienne Sandra Kogut : un film où on rit beaucoup

Chaque année, Edgar et Marta organisent une grande fête dans leur luxueuse résidence d’été, à côté de Río de Janeiro, orchestrée par leur gouvernante Mada et les autres employés de la maison. Le temps de trois étés, tout bascule. Alors que le monde de ses riches patrons implose, balayé par des scandales financiers, Mada se retrouve en charge de la propriété dont elle est bien décidée à tirer le meilleur parti. Le film décrit le portrait au vitriol d’une société néolibérale à bout de souffle au moment du  Lava Jato.

Photo : Allo Ciné

Au Brésil peut-on encore rire de la situation politique ? On dit souvent que les films sont trop durs. Dans Trois Étés on rit beaucoup, parce qu’on nous présente, face aux riches, des personnages forts. Regina Casé, qui interprète Mada, est une comédienne exceptionnelle. Elle est une femme forte qui ne se laisse pas abattre, même si les patrons ont fui à l’étranger en abandonnant le grand-père à la charge du personnel qui n’a pas été payé depuis des mois. Vous l’aviez sans doute déjà appréciée dans Une seconde mère d’Anna Muylaert (2015), ou en 2001 dans La vie peu ordinaire de Dona Linhares d’Andrucha Waddington.

« Nous avons assisté ces dernières années au Brésil à de nombreux événements politiques assez dramatiques… Procès filmés et diffusés en direct, arrestations spectaculaires… Le pays s’est habitué à suivre les aléas politiques comme s’il s’agissait d’un feuilleton télévisé. Sauf que maintenant, cela se passe dans la réalité.

Trois étés est né de mon désir de parler de ce moment-là. Mais, comme dans mes autres films, mon approche est oblique, axée sur des personnages qu’on voit rarement aux infos, ceux dont personne ne se soucie. Dans les histoires sensationnelles qu’on entend tous les jours, ces personnages sont des figurants ou alors sont carrément hors-cadre, invisibles. Je me suis demandé : qu’advient-il de tous ces gens qui gravitent autour des riches et puissants quand la vie de ces derniers s’effondre ? Quelles sont les conséquences pour les domestiques lorsque leurs employeurs atterrissent en prison ? 

J’ai choisi de situer toute l’histoire l’été car il s’agit d’un moment de l’année où les tensions sont plus aigües, où tout semble plus délirant. La lumière est beaucoup trop vive, les sons trop forts, la chaleur souvent excessive et les tempêtes apocalyptiques. Puisque dans l’hémisphère sud l’été a lieu en décembre et janvier, tout devient encore plus exacerbé la dernière semaine de l’année, quand arrive Noël, avec ses drames familiaux, ses joies et ses peines. Et puis le Nouvel An qui vient juste après, avec ses promesses de changements et de jours meilleurs. C’est une période très particulière et cette exacerbation me semblait faire écho à l’intensité des crises successives que connaît le pays. »

Sandra Kogut n’a réalisé que trois films de fiction, mais crée des installations et des documentaires. À signaler que depuis 2015, elle est commentatrice d’une émission d’information en direct à la télévision brésilienne. Sortie le 11 mars.

Alain LIATARD