« Quatorze crocs » dernier roman de l’écrivain mexicain Martín Solares aux éd. Bourgois

Après le changement de direction d’il y a quelques mois, les éditions Christian Bourgois font peau neuve. L’esprit de la maison reste le même, originalité et qualité, look qui reste classique mais se permet quelques fantaisies, à l’image de la couverture du nouveau roman de Martín Solares. Lui aussi change, et radicalement. Après deux gros romans sur les violences au Nord-Est du Mexique et le charmant Comment dessiner un roman, voici Quatorze crocs, premier tome d’une trilogie, c’est un polar barjot qui nous promène dans un Paris très noir, en 1927.  

Photo : Martín Solares

Pierre Le Noir travaille aussi discrètement que possible dans une discrète brigade de la police parisienne, la Brigade Nocturne. Et une nuit, justement, il est appelé pour s’occuper d’un cadavre trouvé dans le Marais. Pas question d’en dire plus, tout le délicieux (!) fumet serait éventé.  On croise des personnages bizarres et souvent attachants, les règles générales ne sont pas précisément les mêmes que les nôtres. Il faut dire que Pierre Le Noir, enfant, a souvent assisté sa grand-mère qui était une voyante réputée, ce qui l’a probablement bien aidé à accepter ce qui est légèrement hors normes. Un mystérieux bijou offert par la vieille dame est censé le protéger de tout danger, lui a-t-elle promis. 

Quand il se retrouve dans le salon du vicomte et de la vicomtesse de Noailles, entouré d’un tas de dadaïstes et de surréalistes, il ne sait plus quoi ou qui regarder, devant l’abondance du génie. Y en aurait-il un, parmi les Breton, Aragon ou Cocteau, qui pourrait l’aider à faire avancer son enquête  ? Mais ‒ enfer et damnation ‒ dans quel genre de littérature Martín Solares nous fait-il pénétrer  ? Ce n’est pas moi qui vous le dirai, je crains le Châtiment  ! Ne disons rien de plus, donc, mais parlons un peu de tout  : au menu de ce roman décalé (c’est un euphémisme), un objet d’art volé, une visite chez un photographe connu, une menace mortelle sur Paris qui pourrait ne pas y survivre, des ombres qui passent, un Louis Pasteur jusque-là inconnu, une promenade mouvementée dans le cimetière Montparnasse, le groupe surréaliste et son histoire et une énorme dose d’humour. De quoi se faire peur et rire aux éclats. 

La pleine lune sert de point final, en attendant le prochain épisode. Que cela ne dure pas une éternité  ! 

Christian ROINAT 

Quatorze crocs de Martín Solares, traduit de l’espagnol (Mexique) par Christilla Vasserot, 200 p., 18 € aux éd. Christian Bourgois. Martín Solares en espagnol  : Catorce colmillos / Los minutos negros / No mandes floresed. Literatura Random House.  Martín Solares en français  : Les minutes noires / N’envoyez pas de fleurs / Comment dessiner un roman, éd. Christian Bourgois.