Le documentaire « Cocaïne prison » en Bolivie : les petites fourmis de la cocaïne

Dans ce remarquable documentaire nous suivons trois personnages : Herman, 22 ans, venu à la ville pour faire des études et qui est en prison depuis trois ans pour avoir passé de la drogue. Il est en préventive, attendant son jugement. Daisy sa sœur, âgée de 18 ans qui veut réussir ses études et qui fait tout pour faire sortir son frère de prison. Enfin Mario, 42 ans, père d’une famille qu’il ne voit jamais car très loin, et compagnon de cellule d’Hernan, arrêté il ya trois ans dans une fabrique de cocaïne et lui aussi en attente de jugement. Ce sont le symbole des petites fourmis de la cocaïne. En salle ce mercredi 27 novembre.

Photo : Allocine

Violeta Ayala est une réalisatrice bolivienne d’origine quechua, née en 1978 à Cochabamba. Journaliste de formation, elle s’est particulièrement attachée dans son cinéma aux sujets d’investigation. Elle explique : « J’ai grandi sans aucune notion de bien ou de mal au sujet de la cocaïne. Pour moi, c’était un moyen de s’enrichir, c’est tout. Puis en vivant aux États-Unis et en Australie, j’ai pu constater les ravages provoqués par la consommation de drogue. En Bolivie, nous n’avons pas conscience des conséquences négatives liées au trafic et à l’addiction. Comme Hernan le dit : « Ici, il ne s’agit pas de crime organisé comme en Colombie. Tu veux gagner de l’argent ? Tu travailles dans le business. Tu veux arrêter ? Et bien, tu es libre de le faire et de partir ».  

Dans sa note d’intention, elle ajoute « En tant que réalisatrice bolivienne d’origine indigène, dont la famille a échappé à la pauvreté grâce au trafic de drogue, je guiderai le spectateur dans la complexité du commerce de la cocaïne en Bolivie. Je montrerai aussi comment pour beaucoup, c’est devenu un vecteur de développement et d’espoir, plus que le symbole de l’addiction et du crime. Le film mettra en lumière le besoin d’établir d’autres bases de relations entre les pays producteurs et consommateurs, moins hypocrites qu’à l’heure actuelle, afin d’ouvrir un dialogue qui empoigne les difficultés de cette situation sans passer par les jugements moralisateurs ou faciles ». 

Le film se passe en grande majorité dans et autour de la prison San Sebastián, située à Cochabamba, troisième ville de Bolivie. Ce lieu inimaginable est d’ailleurs autant une prison qu’un microcosme de la Bolivie, la conséquence de vingt ans d’application de la Loi 1008 qui disait « La production, la possession, la garde, le stockage, le transport, la livraison, le don comme cadeau ou l’administration sont des délits passibles de peines d’emprisonnement » ; la moitié des Boliviens furent alors instantanément considérés comme des criminels, avec une majorité de petites mains qui finirent en prison.  

Construite pour accueillir 80 prisonniers, ce sont aujourd’hui 700 personnes qui vivent et travaillent au sein de cette prison. Ces vingt dernières années, elle est devenue une citadelle avec une économie libéralisée où les détenus payent un droit d’entrée, louent ou achètent leur cellule. S’ils en ont les moyens, ils peuvent faire venir leur femme et leurs enfants, qui vivent alors avec eux. San Sebastián a sa propre dynamique, les prisonniers élisant même leurs représentants. Par ailleurs, 80% d’entre eux n’ont pas eu droit à un procès, et protestent souvent contre ces retards administratifs et la corruption endémique du système judiciaire.  

Pour filmer, la réalisatrice a remis aux prisonniers de petites caméras. C’est donc la vie dans ce lieu étonnant qui nous est montré. 

Alain LIATARD,
avec le dossier de presse du film.

Cocaïne prison, documentaire de Violeta Ayala, 1 h 15. À découvrir au cinéma le 27 novembre prochain.