Au Nicaragua, les évêques appellent à garder espoir. Des belles paroles ?

À l’occasion des festivités nationales, la Conférence épiscopale du Nicaragua a adressé un message de soutien «aux fidèles chrétiens catholiques, et aux hommes et aux femmes de bonne volonté». Un message d’encouragement et d’accompagnement spirituel bienvenu dans le climat social très tendu au Nicaragua. 

Photo : La Croix

Dans une déclaration commune, les évêques du Nicaragua ont rappelé que «la vérité et le pardon sont les fondements et le chemin vers la paix». Ils ont choisi de s’exprimer dimanche 15 septembre, à l’occasion de la fête nationale commémorant l’indépendance du Nicaragua, mais aussi de la fête de la Vierge des Douleurs. «Après près d’un an et demi de souffrance et de douleur, nous avons vécu dans notre propre chair la Passion de Notre Seigneur Jésus Christ», déclarent-ils. 

Sans pointer du doigt ni porter d’accusation, le message des évêques vise avant tout à soutenir spirituellement les catholiques en leur proposant de se poser les bonnes questions dans une situation de crise dont le pays n’arrive pas à se sortir. Se présentant comme des compagnons de route, ils proposent des réponses éclairées par la foi.  

Le texte met à plat les interrogations existentielles qui tourmentent les esprits : «Comment pardonner tant de cruauté subie, et est-il impossible de panser toutes ces blessures ?», «Est-il possible d’aimer ceux qui ferment les portes de leur cœur  au Christ ? Comment garder l’espérance quand tout porte à croire qu’il n’existe aucun pouvoir capable de résoudre notre crise ? Que faire quand la voix de la société civile ne compte pas ? » L’épiscopat se fait porte-parole des masses citoyennes qui demandent du changement et des réformes profondes. «Les inégalités économiques, le chômage et la corruption semblent être des maux endémiques difficiles à corriger, condamnant plusieurs groupes sociaux à être injustement exclus et à rester invisibles, comme le sont les migrants, les femmes, les jeunes, les personnes handicapées, les groupes ethniques, etc…» 

Dans leur message, les évêques mettent en lumière le cas de conscience que rencontrent les catholiques nicaraguayens qui travaillent pour des institutions qui ne correspondent pas à leur valeur mais qui les tiennent par la faim. 

Ces questions sont aussi essentielles pour trouver un terrain ferme où entreprendre la reconstruction de la société nicaraguayenne  :  «Comment contribuer à la résolution de problèmes sociaux et politiques urgents et répondre au grand défi de la pauvreté et de l’exclusion ? Comment le faire dans un pays qui traverse une crise politique, sociale et économique profonde, dans lequel semble s’initier une nouvelle étape, avec les défis qu’elle introduit pour le vivre-ensemble démocratique ? ». 

Selon eux, une des racines du malaise au Nicaragua est la crise de confiance qui, en agissant comme un  «virus», a contaminé toutes les relations quotidiennes. Perte de confiance en les autorités, perte de confiance en les institutions, perte de crédit quant à la viabilité des projets politiques… Cette méfiance s’est répandue, introduisant des tensions dans les familles, éloignant chacun de son prochain et créant des groupes fermés et isolés.  «C’est impossible de grandir dans la méfiance  !», soulignent les évêques. 

Au contraire, il faudrait valoriser la confiance avec la «culture de la rencontre» qui induit l’attitude plus active de prendre soin de l’autre, le faire grandir avec sa liberté.  «Il ne s’agit pas seulement de « tolérer » autrui mais de « célébrer » nos différences, en les exprimant  librement, avec prudence et respect, pour enrichir la richesse de nos idées et valeurs» écrivent les évêques, en reprenant des principes souvent mis en valeur par le Pape François. 

Les évêques s’adressent tout spécialement aux jeunes, qu’ils encouragent à continuer d’apporter leur pierre à l’édifice national «par leurs études et leurs formations, avec leur énergie et leur soif de justice et de liberté avec tous les moyens pacifiques à leur portée». Pour cela, ils se réfèrent au discours du Pape François, au cours des Journées Mondiales de la Jeunesse à Rio de Janeiro  en 2013 : «Ne vous placez pas en queue de l’histoire, soyez les protagonistes ! Manifestez-vous en avant ! Marchez en avant ! Bâtissez un monde meilleur, un monde de frères, un monde de justice, d’amour, de paix, de fraternité solidaire !». 

Les évêques appellent les fidèles à ne pas baisser les bras et à garder espoir. Ils donnent des exemples de figures saintes qui ont aimé sans limite dans l’adversité de régimes oppresseurs : Saint Oscar Romero et Frère Odorico d’Andrea. Ils affirment qu’aujourd’hui plus que jamais, le Nicaragua doit être capable d’aimer «en réponse au système de haine et de mort en place, qui dissimule l’action de Dieu»

Cécile MÉRIEUX,
Cité du Vatican

Notre opinion

Ces belles paroles suffiront-elles à mettre en oeuvre suffisamment de moyens pour redresser la situation politique et économique d’un pays en crise ? Derrière l’exhortation à l’amour universel, on peut aussi y voir une incitation ténue à l’insurrection, et un appel à l’aide dirigé à la jeunesse. Espérons que l’assise religieuse ait un impact sur les décisions politiques.

 Lou BOUHAMIDI