«Le chant de la forêt» de Renée Nader Messora et João Salaviza

Renée Nader Messora et João Salaviza sont les deux réalisateurs du film Le chant de la forêt. Ce drame, qui est en salle depuis le 8 mai, est le récit de Ihjãc, un jeune indigène brésilien.

Photo : Ad Vitam

Ce soir, dans la forêt qui encercle ce village du Cerrado au nord du Brésil, le calme règne. Ihjãc, un jeune indigène de la tribu Krahô marche dans l’obscurité, il entend le chant de son père disparu qui l’appelle. Il est temps pour lui d’organiser la fête funéraire qui doit libérer son esprit et mettre fin au deuil. Habité par le pourvoir de communiquer avec les morts, Ihjãc refuse de devenir chaman. Tentant d’échapper à son destin, il s’enfuit vers la ville et se confronte alors à une autre réalité : celle d’un indigène dans le Brésil d’aujourd’hui. 

Les Krahô sont les habitants traditionnels du Cerrado et, ayant longtemps vécu dans cet environnement, ils y ont développé un savoir écologique sophistiqué, transmis de génération en génération. Situé au nord-est de l’état de Tocantins, à  1000 kilomètres de  Brasilia, le territoire indigène Krahô s’étend sur 3200 kilomètres carrés. Il est considéré comme l’une des zones les plus importantes de la «savane préservée» du Brésil : le Cerrado. Outre son extraordinaire biodiversité, le Cerrado est connu comme le «berceau des eaux» car il héberge les sources des principaux bassins hydrographiques de l’ensemble du pays. Cependant, cette zone subit une importante dégradation causée par l’expansion progressive des cultures et de l’élevage du bétail. D’innombrables espèces de plantes et d’animaux y sont en voie de disparition, cet écosystème faisant actuellement partie des points de la planète les plus sensibles et les plus menacés en matière de biodiversité. 

En 2009, Renée Nader Messora se rend dans le nord du Brésil où elle visite pour la première fois un village Krahô, elle y retournera plusieurs fois avec son compagnon João Salaviza, et une caméra 16 mm (la zone est trop humide pour utiliser du matériel numérique). Ils vont s’installer et réaliser un film, « Pendant neuf mois (entre  le printemps 2016 et l’hiver 2017), nous avons vécu dans l’une de ces maisons, tout le monde savait que nous mangions la même nourriture qu’eux, que nous nagions et que nous nous baignions dans la même rivière. Notre vieille caméra 16mm n’était ni intrusive, ni omniprésente, elle est restée la plupart du temps à l’intérieur de son boîtier. La vie au quotidien du village, sa routine était beaucoup plus importante que le film lui-même. 

Vitor était en charge du son. C’est un anthropologue qui parle un peu la langue, il est originaire de Brasilia et il vit dans ce village depuis longtemps ». Ne parlant pas la langue, les réalisateurs n’ont compris parfois ce qui était dit qu’au moment du montage. Il n’ya a pas vraiment de mise en scène, mais seulement la volonté de suivre et vivre leurs rituels.  Personnages de l’altérité, les morts sont dangereux, car ils veulent emmener leurs parents vivants avec eux. «  Il est nécessaire, explique l’anthropologue portugaise Manuela Carneiro da Cunha  dans Os mortos e os outros que les proches oublient leurs morts, afin qu’ils puissent à leur tour oublier les vivants. C’est pourquoi les Krahôs organisent une cérémonie de fin de deuil, le Pàrcahàc («la bûche des morts») pour pleurer leurs morts une dernière fois, fêter leur âme à l’aide de chants et de danses et, ainsi, leur permettre de partir vers leur nouveau village ». 

Le film, dès les premières scènes, est empreint d’une grande poésie visuelle et l’utilisation de la couleur est importante pour montrer cet univers onirique. Le Chant de la Foret a obtenu l’an passé à Cannes le prix spécial du Jury, dans la section Un certain regard. À voir à partir du 8 mai. 

Alain LIATARD

Le chant de la forêt de Renée Nader Messora et João Salaviza, Drame, Brésil, 1 h 54 – Voir la bande-annonce