Un attentat contre Francia Márquez lauréate du prix Goldman pour l’environnement

«Aujourd’hui, nos leaders continuent de souffrir des violences du conflit armé et nous ne le supportons plus ! Président Iván Duque, sommes-nous condamnés à mourir ici ?» a récemment déclaré Francia Márquez. C’est le fruit d’un processus observé sur plusieurs mois qui éclate en ce début de mai avec l’attentat visant des leaders sociaux de la communauté afro-colombienne de Cauca en Colombie. Ces défenseurs de l’environnement sont sujets à des violences de plus en plus fortes pour leurs revendications sociales et territoriales.

Photo : Guylaine Roujol Perez

L’ascension de complot visible dans le département de Cauca révèle un climat de tension plus général où sont visés plus particulièrement les communautés aux ethnies colorées et les activistes engagés pour faire valoir leurs droits. Le 5 avril 2019, un collectif d’associations de Colombiens de France et d’autres pays d’Europe avait dénoncé à La Haye aux Pays-Bas l’accroissement du nombre de leaders sociaux assassinés pour leur militantisme, exposant ainsi sur la scène internationale la situation alarmante. Le 4 mai 2019, l’Aconc (Association des conseils de la communauté du nord Cauca) s’est réunie dans le but de planifier des négociations avec le gouvernement à la suite de la marche du 10 mars entreprise par les communautés indigènes autour du projet de route panaméricaine. 

Accompagnée du PNC (Processus des communautés noires), l’Aconc a exprimé son soutien comme une «expression valide de la réclamation des peuples colombiens contre un racisme structurel». Les accords et pétitions des communautés noires se répartissent en cinq lignes directrices qui sont le territoire, les ressources pour les systèmes de santé et d’éducation, les droits humains, l’extraction minière et la mobilisation des femmes pour la protection de la terre. Alors que ses membres s’étaient réunis à la Finca de la Trinidad, dans la municipalité de Santander de Quilichao, un attentat a été court-circuité par la présence des agents de sécurité de certains leaders. Ceux-ci ont repoussé l’embryon de ce qui aurait pu être un véritable massacre. L’utilisation de grenades et d’armes à feu contre ces fervents défenseurs des communautés noires du Cauca n’est qu’une démonstration de plus du tonnerre grimpant dans cette région menacée. 

Ce mercredi 8 mai 2019, les membres de l’Aconc se sont réunis une nouvelle fois à Santander de Quilichao en présence des ministres de la présidence de la République afin de réactiver le dialogue et de pointer les 300 accords signés, mais non accomplis depuis 1986. Bien qu’elle se révèle peu concluante, cette réunion a pu réaffirmer la quête de justice poursuivie par la population noire de Cauca.

Francia Márquez, lauréate en 2018 du prix Goldman pour l’environnement (région Amérique centrale et du Sud) prend la parole à ce sujet. Jeune femme à la personnalité affirmée, elle a mis ses études de droit au profit de ses idées en dénonçant l’exploitation minière illégale, la déforestation ainsi que la contamination des eaux au mercure dans sa région. En 2016, elle s’est battue et a obtenu des accords de paix au sein d’une délégation de victimes à La Havane. Elle pointe ici la «négligence du gouvernement» face au «crime humanitaire» qui se perpétue dans la région de Cauca. «Nous vivons dans un pays très dangereux, où pas même le président ne connaît la tranquillité de parcourir le territoire qu’il gouverne. Nous refusons de continuer de voir mourir les leaders sociaux ainsi que les membres de notre communauté. Sommes-nous condamnés à mourir ici ? Je pose cette question au gouvernement. Nous continuons d’avancer et nous continuons de lutter pour un pays en paix», ajoute-t-elle avec détermination.

Marine COMMUNIER