Tremblements, un film contre l’homophobie du Guatémaltèque Jayro Bustamente

Tremblements, un beau film qui sort le 1er mai, porte sur la vie de Pablo. Pablo, 40 ans, est un «homme comme il faut», religieux pratiquant, marié, père de deux enfants merveilleux. Quand il tombe amoureux de Francisco, sa famille et son Église décident de l’aider à se «soigner». Dieu aime peut-être les pécheurs, mais il déteste le péché.

Photo : Tremblements – François Silvestre de Sacy

Jayro Bustamente, le réalisateur de Tremblements, déclare À l’origine de l’histoire de Pablo ,il y a le récit que m’a fait un homme rencontré alors que je terminais Ixcanul. Il m’a parlé de sa vie, de son homosexualité. Ce qui aurait pu être le simple récit d’un coming-out est devenu peu à peu beaucoup plus complexe, car je réalisais que j’avais face à moi un homme qui était gay et homophobe à la fois. Je réalisais progressivement que les contradictions qui habitaient cet homme venaient du carcan dans lequel il vivait, du poids de la société dans laquelle il avait grandi et vécu jusque-là.»

«La plupart des hommes et des femmes avec qui j’ai discuté m’ont dit qu’ils avaient suivi un traitement, pas forcément tel que décrit dans le film, mais ils avaient été voir un psy, et le plus souvent ils avaient fait cela à la demande ou sous la pression de leur famille. Cette démarche n’était évidemment pas constructive : il n’était pas question de les aider à mieux se comprendre et s’accepter, il s’agissait de les remettre dans ce que la société considère comme le droit chemin, ils devaient ni plus ni moins être guéris de leur homosexualité.»

«Au Guatemala, les mouvements évangélistes sont quasiment devenus une force politique dans le pays –et en Amérique latine plus largement. La diversité des cultes propres à l’évangélisme a permis de toucher toutes les couches de la société. La main mise est totale. La religion est omniprésente à tous les niveaux. Tout le monde ou presque se revendique d’une église que ce soit en famille ou au travail. Votre religion peut même figurer dans votre CV. Il est très difficile de vivre en dehors des préceptes religieux, de s’échapper du cadre admis par la majorité, de vivre selon ses propres règles et désirs. C’est ce que raconte Tremblements. L’histoire de Pablo n’est pas propre à ce personnage, elle est partagée par beaucoup de gens dans un pays où 98% de la population est croyante. Les églises évangélistes ont pu prendre une telle importance au Guatemala à cause des carences même de l’État. Elles se sont souvent substituées à celui-ci pour assurer de nombreux services et assurer une sorte d’unité sociale.»

Tremblements, titre inspiré par les tremblements de terre qui secouent Guatemala City et qui sont interprétés comme l’expression de Dieu dans une société très fermée où l’on n’accepte pas la différence. Contrairement à Ixcanul qui se déroulait à la campagne au pied d’un volcan, ce film-ci se passe en ville. Plus que la description de l’homosexualité, le film expose le poids de la religion et de la famille. Mais cela est montré sans image violente. Justement, car il s’agit d’un homme déjà inséré dans le carcan de la société avec femme et enfants qui va se retrouver seul. Il acceptera donc les conseils du pasteur pour se faire soigner.

Il a été difficile au réalisateur de trouver des acteurs. La plupart ont refusé. «En revanche, Juan Pablo Olyslager et Mauricio Armas Zebadúa qui interprètent respectivement Pablo et Francisco ont parfaitement compris ma démarche. Pour eux, hétérosexuels dans la vie, il s’agissait avant tout de trouver le ton juste, de jouer des homosexuels sans tomber dans la caricature. Ils n’ont pas eu peur d’assumer leur sensibilité. Juan Pablo Olyslager, qui est un des acteurs les plus connus au Guatemala, s’est complètement investi dans le film. Il a même accepté de perdre 12 kilos. Il a donné au personnage de Pablo ce physique ténébreux que j’avais en tête.» C’est donc par sa sensibilité que le film nous touche et a touché le public du Festival Cinelatino de Toulouse qui lui a accordé son prix.

Alain LIATARD

Tremblements de Jayro Bustamente, Drame, Guatemala, 1 h 40 – Voir la bande annonce