Pachamama, un film d’animation de Juan Antin autour des peuples amérindiens

«Pachamama», c’est la terre nourricière. Lorsque les Incas qui habitent de l’autre côté de la montagne viennent racketter les cultures d’un petit village, ils s’emparent aussi d’une petite statuette sacrée : la Huaca. Tepulpaï et Naïra, deux enfants, vont partir jusqu’à Cuzco pour récupérer la statuette. Ils arrivent au moment où les conquistadors envahissent la ville.

Photo : Pachamama

«C’est impressionnant de constater à quel point cette civilisation était visionnaire. Son mode de vie reposait sur un cercle vertueux qui pouvait durer éternellement, contrairement à aujourd’hui où on s’évertue à épuiser les ressources de la terre. Mon attachement à l’écologie est inscrit dans la culture des peuples amérindiens. Pour eux, il n’y avait pas de séparation entre les êtres et le monde : c’était un tout. Cela rejoint l’approche de la physique quantique, qui considère qu’il n’y a pas de matière, mais seulement des vibrations d’énergie, et que tout ce qui constitue l’univers est lié. Ces peuples restituaient à la terre une partie de ce qu’elle leur donnait, dans un échange permanent avec une entité vivante. Dans le film, j’exprime ma colère de voir comment la nature est maltraitée aujourd’hui. Et l’analogie avec les peuples amérindiens respectant la nature, avec une vision spirituelle de la terre, en opposition à la vision matérialiste des conquistadors qui passe par l’exploitation et la recherche de richesse. De même, quand les espagnols voient l’idole, la Huaca, ils pensent qu’elle est précieuse parce qu’ils croient qu’elle contient de l’or, alors que sa valeur est uniquement spirituelle», explique Juan Antin.

«Plutôt que de relater la colonisation de manière historique, j’ai voulu la raconter du point de vue des indigènes, à hauteur d’enfants. C’était important pour moi, car en Argentine, on apprend à l’école que les «bons» étaient les Espagnols, apportant civilisation et progrès, et les indigènes, des sauvages. Sur un billet de cent pesos argentin, on voit le portrait de Rocca, un président qui a fait tuer des millions d’Indiens. Le projet de conquête, c’était amener la civilisation européenne, s’emparer des ressources naturelles et exterminer les «sauvages». Comme on n’enseigne pas cela à l’école, j’avais envie de raconter aux enfants que les conquistadors n’étaient pas des héros, mais des voleurs.»

Le film traite graphiquement de manière différente les trois peuples. Au village, sous l’ombre du Condor, on a utilisé des formes organiques liées à la terre. Pour les personnages des Incas, le film s’est basé sur leur architecture qui est constituée surtout de lignes droites, car ils travaillaient les pierres de manière à les encastrer entre elles. Dans cet univers, l’énergie est celle du soleil. Quand les conquistadors apparaissent, tous les décors se teintent de rouge : on ne montre pas de sang mais on le suggère.

Un autre aspect important est la trame sonore et la musique de Pierre Hamon : beaucoup de sons de vent ont été réalisés avec des instruments précolombiens, et une partie des chants des oiseaux ont été produits avec des vases siffleurs. Ont été ajoutés des ambiances sonores de forêt, et de vrais chants d’oiseaux, et tous ces éléments sont d’une qualité sonore excellente. Il leur est aussi arrivé de mêler ces sons réels de forêt avec des effets réalisés grâce aux vases siffleurs qui imitent les oiseaux, car cela ajoutait un côté magique.

Ajoutons que Juan Antin, qui est argentin, a mis quatorze ans pour réaliser son film. En 2002, son premier long-métrage, Mercano Le Martien obtient au festival d’Annecy le prix spécial du jury. Après 70 films courts, Pachamama est son deuxième long-métrage. Le film a pu se réaliser grâce à une coproduction entre les producteurs français de Kirikou, le Luxembourg et le Canada. Un film à voir avec ses enfants, mais pour lequel les adultes ne sortiront pas déçus non plus. En salle le 12 décembre.

Alain LIATARD *

* Lors de l’avant première à Lyon, au cinéma Comoedia (cinéma d’arts et essais) le samedi 1er décembre,  la grande salle était pratiquement pleine. Pachamama de Juan Antin – 1 h 12 – espagnol – Distributeur Haut & Court