Le monde de la lucha libre mexicaine dans Cassandro, the Exótico ! de Marie Losier

Dans le monde bariolé et flamboyant de la lucha libre, Cassandro est une star aussi incontournable que singulière. Il est le roi des Exóticos, ces catcheurs mexicains travestis qui dynamitent les préjugés dans un sport pourtant fortement machiste. Malgré ses mises en plis, son mascara et ses paupières impeccablement maquillées, Cassandro est un homme de combat extrême, maintes fois champion du monde, qui pousse son corps aux limites du possible. Pas un combat sans qu’il ne soit en sang ou blessé. Pourtant, après vingt-six ans de vols planés, d’empoignades et de pugilats sur le ring, il ne souhaite pas s’arrêter.

Photo : AlloCiné

«À chacun de mes voyages à Mexico City, mon attirance pour la Lucha Libre [le nom général du catch mexicain, NDLR], que j’avais découverte des années auparavant à travers le cinéma, s’était accentuée. C’est tout ce que j’aime : un monde théâtral excessif et drôle, des «personnages» de cinéma bigger than life, des costumes multicolores et scintillants, des cris, du suspense, des prouesses acrobatiques spectaculaires et par-dessus tout, c’est un moment d’allégresse regroupant toutes les classes sociales avec leurs héros du ring ! C’est le deuxième sport le plus populaire au Mexique après le foot, et les catcheurs y sont vénérés comme des légendes vivantes par le public en liesse. C’est une véritable religion ! Tout le monde est réuni et «vit» le jeu à fond, les vieux, les jeunes, c’est merveilleux. Je suis, par ailleurs, comme le public mexicain lui-même, très sensible au mystère de ces hommes musclés et masqués qui ne révèlent jamais leur identité ni dans la vie ni sur le ring. Il y a là tout un univers de sons et de couleurs qui donne une envie folle de filmer», explique la réalisatrice Marie Losier.

Elle poursuit : «Il faut imaginer le courage qu’il a fallu à cet homme pour apparaître sur le ring, non seulement en étant ouvertement gay, couvert de plumes et de maquillage dans un sport si machiste, mais en plus pour le faire sans masque ! Si les Exóticos existaient avant lui, tous, majoritairement hétérosexuels, singeaient une homosexualité grossière et burlesque, presque homophobe, alors que lui en a fait une cause nationale, un cheval de guerre sincère et bouleversant. Une acceptation, une revendication de lui-même entière et sans concession qui a depuis fait école. Il repousse les frontières, il est très ouvert aux autres, solidaire, conscient de la fragilité de sa survie.»

Pour montrer ce portrait très attachant – et qui nous en apprend beaucoup sur ce sport et sur ce personnage sur le fil, ou sur la frontière (Cassandro est Texan mais a fait sa carrière à Juárez au Mexique) –, Marie Losier utilise une technique expérimentale : tournage en 16 mm à l’ancienne avec des couleurs saturées, des trucages. Elle ajoute : «J’aime les trucages caméra, les filtres, les optiques différentes et même kaléidoscopiques. J’aime les techniques du début du cinéma, des Méliès, des Cocteau, des Jack Smith. Le choix de la pellicule est un travail sur la matière — film, sur la mythologie — film aussi.»

Le film a été sélectionné à Cannes dans la section de l’ACID – une association née en 1992 de la volonté de cinéastes de s’emparer des enjeux liés à la diffusion des films, à leurs inégalités d’exposition et d’accès aux programmateurs et spectateurs – et aussi, entre autres, au Rencontres documentaires de Lussas en Ardèche. Il est en salle depuis le 5 décembre.

Alain LIATARD

Cassandro, l’exotique documentaire de Marie Losier (France – 1 h 13 ) – Urban distribution.