Les mains du «Che», un roman plein d’aventures de Serge Raffy qui revisite l’Histoire

Serge Raffy, journaliste reconnu, biographe de Fidel Castro parmi d’autres, et romancier, propose avec ce roman une histoire d’amour, d’amitiés, d’aventures, d’espionnage qui se déroule à partir des années soixante en Europe et en Amérique latine et qui tourne autour d’une question troublante : et si Ernesto Guevara, le Che, n’était pas mort le 7 octobre 1967 ?

Photo : Seuil 

Hector Mendez, un père d’origine espagnole et une mère française, rencontre à Vénissieux, Mila (Djamila), fille d’un combattant algérien du FLN. À l’autre bout du monde, Jaurès Pakuto, un jeune Indien, rêve dans un village perdu du Venezuela d’être photographe, encouragé par un inconnu qui se dit chilien et qui disparaît un jour sans laisser de traces. Hector et Jaurès ont un point commun : l’absence du père. On est au début des années 80.

Devenu journaliste à Bordeaux, Hector finit par se lancer, poussé par les circonstances, dans une enquête à la fois personnelle et historique : le mystère familial (qu’est devenu son père ?) l’intéresse au moins autant que l’Histoire qui, en plus n’est pas très claire à cette époque embrouillée de la guerre froide, avec un camp occidental relativement uni contre le danger communiste et un camp prosoviétique ravagé par les conséquences de la dictature stalinienne qui finiront par provoquer sa chute.

Un des grands mérites de Serge Raffy est de permettre aux lecteurs trop jeunes pour avoir connu cette époque ‒ ou à ceux qui l’ont vécue sans avoir accès à ces informations, qui étaient l’immense majorité ‒ de comprendre les rivalités internes au Parti, les soupçons de tout genre sur tout le monde, surtout les proches, les vengeances sournoises, les calculs en tout genre.

On apprend ainsi que le Che n’a pas été qu’un guérillero luttant dans la forêt vierge, qu’il est passé par l’Afrique, par l’Europe de l’Est où ses rapports avec les autorités soviétiques et leurs représentants n’étaient pas de tout repos. C’est à Prague que s’est préparé le grand retour de Guevara, devenu Ramón Benítez, qui passera, méconnaissable, par Cuba où il rencontre Fidel Castro à plusieurs reprises… dans quelle ambiance ?

Ex nazis, agents du KGB ou de la STASI, homme politiques latino-américains plus ou moins proches de Barbie, qui vivait alors paisiblement en Bolivie, et autres Leni Riefenstahl, réfugiés dans des pays pas particulièrement hostiles, tout ce magma peu reluisant se retrouve autour de l’assassinat du Che et de ses suites : la mort brutale et encore non expliquée de plusieurs personnes impliquées, l’absence du corps et des mains de Guevara, qui avaient été coupées sur son cadavre.

On plonge avec un réel plaisir dans ces mystères historiques, en grande partie parce que, si l’on peut imaginer diverses résolutions à ce problème de la disparition de toute preuve, le fond historique est particulièrement solide (en dehors d’un ou deux détails, la mort prématurée ici de Carlos Fuentes !). Il peut arriver qu’on se sente mal à l’aise dans ce genre de romans qui récrivent l’histoire en jouant sur les faits et la pure imagination. Ce n’est absolument pas le cas avec Les mains du «Che» : Serge Raffy a su trouver le ton et l’équilibre entre les deux pôles pour offrir un pur moment de plaisir enrichissant à son lecteur.

Christian ROINAT

Les mains du «Che» de Serge Raffy, éd. du Seuil, 300 p., 19,50 €.