Au Brésil, le carnaval de Rio se serre la ceinture en attendant les élections

La fête est finie ! Le Carnaval de Rio s’est officiellement achevé dimanche dernier dans tout le pays. Retour sur cet évènement phare de la culture brésilienne, entre joie et tensions. Un carnaval aux dimensions politiques et économiques, à sept mois de l’élection présidentielle brésilienne, alors que l’ancien président Luiz Inácio Lula da Silva reste en tête des intentions de vote malgré sa condamnation.

Photo : Rio Hunter

Les écoles de samba brésiliennes ont défilé dans les villes du pays à l’occasion du célébrissime Carnaval de Rio, une réelle institution au Brésil. L’école de Beija-Flor, très attendue par les spectateurs, a clos le défilé sur l’immense sambodrome de Rio de Janeiro. Pendant près d’une semaine, toutes les villes ont vibré au rythme de la samba. Toutes les villes, ou presque… Entre crise économique et tensions politiques, la fête a bien eu lieu.

Un carnaval en crise

Cette année, le carnaval de Rio s’est serré la ceinture, la crise s’y est invitée. Les écoles de samba, qui préparent leur spectacle durant un an pour l’évènement, ont dû faire face aux réductions budgétaires imposées par le maire de la ville. Marcelo Crivella, maire de Rio de Janeiro depuis le mois d’octobre, ancien pasteur évangéliste et conservateur, a en effet décidé de réduire de moitié les subventions accordées aux écoles de samba. Le maire de la sensuelle Rio n’a jamais caché sa désaffection à l’égard du traditionnel carnaval brésilien. Quatorze villes de l’État de Rio de Janeiro n’ont pas célébré le carnaval, et plus de cent villes du pays sont restées dans le silence. São Gonçalo, la deuxième plus grande ville de Rio de Janeiro, n’a pas vu défiler les chars traditionnels dans ses rues depuis maintenant quatre ans. Le scénario est le même dans les municipalités de São Paulo, Paraná, Pernambuco, Minas Gerais, etc.

Carnaval politique

Au-delà des plumes, des paillettes et de la sensualité, le « plus grand spectacle de la terre » incarnait aussi la révolte d’une population exaspérée par la violence et la corruption. Même si le carnaval est vu comme une sorte de parenthèse pour oublier les soucis du quotidien, certaines écoles de samba ont décidé de mettre en scène la société brésilienne et de délivrer de nombreux messages politiques.

Les spectateurs du carnaval ont donc pu découvrir une caricature du président brésilien, Michel Temer, en vampire corrompu, le maire de Rio en épouvantail, des hommes d’affaire plein aux as, ou encore des représentations de favelas illustrant la violence et la corruption omniprésentes dans ce pays. « Les écoles de samba ont un rôle social. Elles expriment ce que les gens normaux ressentent », déclare Léo Morais, professeur d’histoire de 39 ans, le visage grimé en blanc pour incarner la version d’outre-tombe de Michel Temer, qui fait face à de graves accusations de corruption. Mais ces crises politiques et économiques n’ont pas suffi à gâcher la fête. Les écoles de samba ont su ravir les spectateurs, elles sont parvenu à sauver la féérie du Carnaval de Rio, la fête, et la tradition.

Marion GONNET