Des films latinos primés aux festivals de Cannes et d’Annecy

Le palmarès du soixante-dixième Festival international de Cannes a été plutôt bien accueilli. The Square du Suédois Ruben Ostlund s’adjuge la Palme d’or et Robin Campillo avec 120 Battements par minute mérite le Grand Prix de la Compétition officielle. Même si nous avons regretté de ne pas voir sélectionné en Compétition officielle de film latino cette année, deux films ont été primés dans les sections parallèles.

Lire aussi l’article sur Cannes d’Alain Liatard, dans la page de la newsletter du 25 mai dernier ici.

D’abord, dans la catégorie Un Certain Regard, le prix du Jury a été remis par Uma Thurman à Las Hijas de Abril de Michel Franco (Mexique), l’histoire d’une mère prédatrice remarquablement jouée par l’actrice espagnole Emma Suárez. Valeria a 17 ans et est enceinte. L’arrivée de sa mère va causer catastrophe sur catastrophe puisque celle-ci ira même jusqu’à demander l’adoption du bébé. Michel Franco dont nous avions apprécié Después de Lucía en 2012, a réussi un film très poignant. Sortie prévue pour le 26 juillet.

Dans la catégorie Semaine de la critique, le prix Révélation remis par le cinéaste Kleber Mendonça Filho est allé à Gabriel e a Montanha du Brésilien Fellipe Gamarano Barbosa qui retrace le périple existentialiste en Afrique d’un jeune chercheur brésilien. Après dix mois de voyage et d’immersion au cœur de nombreux pays, son idéalisme en bandoulière, il rejoint le Kenya, bien décidé à découvrir le continent africain.jusqu’à gravir le mont Mulanje au Malawi, sa dernière destination. Le cinéaste a gagné aussi le prix de la Fondation Gan qui consiste en une aide à la diffusion qui profitera au distributeur français du film Version Originale Condor, qui le lancera dans les salles de l’Hexagone le 16 août. Le film ne m’a pas convaincu.

Autres films de la Semaine de la critique 

Los Perros est le second film de Marcela Said (Chili). Mariana (42 ans) interprétée par Antonia Zegers, fait partie de cette bourgeoisie chilienne sûre de ses privilèges. Méprisée par son père et son mari, elle éprouve une étrange attirance envers son professeur d’équitation, Juan (60 ans) joué par Alfredo Castro, un ex-colonel, suspecté d’exactions pendant la dictature. L’interprétation est très juste et le film sera à découvrir à sa sortie.

La Familia est le premier film de Gustavo Rondón Córdova (Venezuela). Pedro, 12 ans, erre avec ses amis dans les rues violentes d’une banlieue ouvrière de Caracas. Quand il blesse gravement un garçon du quartier lors d’un jeu de confrontation, son père, Andrés, le force à prendre la fuite avec lui. Andrés découvre son incapacité à contrôler son fils adolescent mais cette nouvelle situation rapprochera père et fils comme jamais auparavant.

Dans un pays en pleine déconfiture (et la situation aujourd’hui est bien pire qu’au moment où le film a été tourné en 2015 a précisé le réalisateur), les enfants des milieux populaires sont livrés à eux-mêmes, et trouvent dans la rue ce qui manque chez eux. Ils s’adonnent à la violence et comme personne n’est là pour les en empêcher et qu’ils sont très jeunes, beaucoup d’entre eux deviennent des meurtriers, parfois pour l’argent, parfois pour le plaisir. Le film essaie avec chaleur de montrer comment deux êtres laissent la violence derrière eux et réapprennent, dans ce nouveau contexte, à se connaître.

La Defensa del Dragón de Natalia Santa (Colombie) était le seul film latino de La Quinzaine des réalisateurs. Au cœur de Bogotá, trois vieux amis, Samuel, Joaquín et Marcos, passent leurs journées entre le club d’échecs, le Casino Caribéen et le café traditionnel. Joueur d’échecs professionnel, Samuel vit des paris qu’il fait sur les petites parties qu’il est certain de gagner. Son meilleur ami, Joaquín, horloger accompli, est lui sur le point de perdre la petite boutique qu’il a héritée de son père. Quant à Marcos, homéopathe espagnol, il consacre son temps à trouver la formule qui lui permettra de gagner au poker. Tous trois vont être obligés de se confronter avec la réalité. Le titre du film est le nom d’un coup d’échec. Bien que ces trois vieux soient sympathiques, le film décrit la fin inexorable d’un monde. « Un film d’une douce acidité », comme le définit Edouard Waintrop,  délégué général de la Quinzaine des Réalisateurs de Cannes.

La Cordillera (El Presidente), film argentin de Santiago Mitre avec Ricardo Darín était proposé dans la section Un Certain Regard. Au cours d’un sommet rassemblant l’ensemble des chefs d’État latino-américains dans un hôtel luxueux et isolé de la cordillère des Andes, Hernán Blanco, le président argentin, est rattrapé par une affaire de corruption impliquant sa fille. Alors qu’il se démène pour échapper au scandale qui menace sa carrière et sa famille, il doit aussi se battre pour des intérêts politiques et économiques à l’échelle d’un continent. On sait que Ricardo Darín est sans doute le meilleur acteur latino. Il incarne à merveille le président argentin qui réunit des hommes et des femmes politiques qui se prennent pour des dieux, alors qu’ils ne sont que de petits insectes au milieu de l’immensité des Andes. L’hôtel, où va se dérouler aussi un drame personnel, nous fait penser à Shining de Kubrick (1980). Mais je trouve que ce film n’a pas la force et l’originalité qu’avait Paulina présenté il y a deux ans par ce réalisateur doué.

La Novia del Desierto (La fiancée du désert) film argentin de Cecilia Atán et Valeria Pivato présenté aussi à Un Certain Regard. Teresa, 54 ans d’origine chilienne, a toujours travaillé au service de la même famille jusqu’au jour où elle est contrainte d’accepter une place à 1 000 kilomètres de Buenos Aires. Elle entame alors un voyage à travers l’immensité du désert argentin. À la suite de la perte de son sac dans le camping-car de El Gringo sur un lieu de pèlerinage près de San Juan, elle va se découvrir et prendre un nouveau départ. Les réalisatrices ont voulu parler, sans parfaitement y réussir, de renaissance, de la quête du temps et du travail nécessaire à l’épanouissement d’une femme d’un certain âge.

Le Festival a fêté sa 70e édition en invitant près de cent réalisateurs primés durant l’histoire du festival. Mais cette année est une édition moyenne avec de bons films, mais peu qui nous surprennent. Les Français ne s’en sortent pas si mal avec 120 battements par minute, Grand prix de la Compétition officielle, Rodin, Jeannette et Le Redoutable. Les problèmes de sécurité ont rendu parfois difficile l’accès aux salles et au démarrage des films à l’heure. Mais dans la queue, le soleil était au rendez-vous.

Deux longs métrages latinos
au Festival d’animation d’Annecy

Le prochain Festival d’animation d’Annecy, le plus important au monde pour le dessin animé, aura lieu du 12 au 17 juin. Des grands noms et des studios viendront présenter leurs travaux. Deux longs métrages latinos seront proposés hors compétition. D’abord  Ana y Bruno de Carlos Carrera : Ana arrive avec sa mère dans un endroit isolé au bord de la mer. Elle y rencontre des personnages fantastiques, étranges et amusants, avec qui elle se lie d’amitié. Carlos Carrera est un très grand réalisateur de fiction et d’animation. Ce film est très attendu. Ensuite, Pequeños Héroes de Juan Paul Buscarini, réalisateur vénézuélien. Ce long métrage raconte les aventures de Arturo, Pilar et Tico, trois enfants aux histoires et origines bien différentes et qui pendant la guerre d´indépendance ont découvert un moyen d´aider Simon Bolivar à vaincre l’armée ennemie. On pourra aussi découvrir une dizaine de courts métrages, dont la plupart en compétition.

Alain LIATARD

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