Une opposition qui ne faiblit pas et un président qui campe sur ses positions: les deux dernières semaines du conflit vénézuelien

Nicolas Maduro a proposé de soumettre son projet d’Assemblée constituante à un référendum. La date de ce référendum reste cependant inconnue.

Photo: Own Work

19 mai | Huit juges, membres de la Cour suprême vénézuélienne, ont été placés sur la liste noire financière des États-Unis. Le président de la Cour suprême fait partie des personnes sanctionnées. Steven Mnuchin, secrétaire américain au Trésor, a déclaré dans un communiqué que ces juges ont « exacerbé la situation en interférant constamment avec la branche du pouvoir législatif ». Cette sanction va dans le sens des déclarations du président Donald Trump qui a qualifié, le 18 mai, de  « honte pour l’humanité » la crise politique au Venezuela. À l’inverse, le président russe Vladimir Poutine soutient Nicolas Maduro.

20 mai | Ce samedi marque le 50e jour de mobilisation contre le président Maduro. Plus de 200 000 personnes ont manifesté ce samedi au Venezuela pour montrer, une nouvelle fois, leur désaccord avec le gouvernement. À Caracas, ils étaient 160 000 selon l’opposition à tenter d’atteindre le ministère de l’Intérieur. Freddy Guevara, vice-président du Parlement dominé par l’opposition, a déclaré que ce rassemblement « est une façon de rappeler au gouvernement qu’après cinquante jours de résistance, des morts et des prisonniers, nous sommes plus nombreux et que nous n’allons pas nous rendre ».

21 mai | Ce dimanche a été marqué par les prières pour le Venezuela. En effet le Cardinal Baltzar Enrique Porrass, archevêque de Mérida, a invité chacun a se recueillir et à penser au pays marqué par les affrontements. « Le 21 mai, la Conférence épiscopale vénézuélienne a promu une journée de prières. Une invitation que j’étends à vous tous, afin que le Venezuela mette fin à la violence et à l’oppression de la part l’État et qu’on lance le dialogue et la réconciliation »

22 mai | Malgré les incessantes manifestations, Nicolas Maduro a décidé aujourd’hui de mettre à exécution son processus d’Assemblée constituante. Devant ses partisans il a signé le décret qui définit les modalités de l’élection des 540 membres de cette assemblée. Rappelons que l’objectif de cette assemblée est de rédiger une nouvelle Constitution. Henrique Capriles, un des chefs de l’opposition et ancien candidat à la présidentielle, a dénoncé une énième fois cette décision: « le peuple vénézuélien ne veut pas une fraude constituante maduriste, nous ne l’acceptons pas ».

23 mai | Le bilan des affrontements au Venezuela, qui ont débuté le 1er avril, ne fait aujourd’hui que s’alourdir un peu plus. 53 morts depuis le début, c’est la triste annonce qu’a fait aujourd’hui le parquet. Le procureur général vénézuélien a annoncé mardi que quatre personnes avaient été tuées dans l’État de Barinas, dans l’ouest du pays. Plusieurs enquêtes ont été ouvertes suite à la mort d’un certain nombre de manifestants, notamment de jeunes manifestants.

24 mai | Un nouveau rassemblement des opposants au gouvernement a eu lieu aujourd’hui. En réponse à la décision de Maduro de maintenir son projet d’Assemblée constituante, dont les élections se tiendront à la fin du mois de juillet, les manifestant ont défilé dans les rues Caracas et en direction du conseil national électoral pour rejeter cette future assemblée. Cette manifestation a lieu alors que le bilan des morts s’élève à 57 personnes.

25 mai | Nicolas Maduro a aujourd’hui appelé au dialogue concernant le projet d’Assemblée constituante. Il a proposé ce dialogue aux dirigeants de l’opposition. « Je confirme mon appel au dialogue », a-t-il déclaré lors d’une réunion publique à Caracas, citant les noms de quatre dirigeants de l’opposition. « Je confirme, dans le cadre de l’Assemblée nationale constituante, être prêt à m’asseoir pour des discussions » avec les responsables de l’opposition. Ceux-ci refusent catégoriquement cette discussion et continuent de réclamer des élections générales. 

26 mai | Luisa Ortega Diaz, procureure générale de la République, a aujourd’hui exprimé son désaccord avec le chavisme de Nicolas Maduro. En effet lors d’une conférence de presse, qui a été boycottée par les médias officiels, le 24 mai Luisa Ortega a fortement critiqué et réprimé l’usage de la violence des forces de l’ordre à l’encontre des manifestants de l’opposition. Elle considère que cette vague de manifestations est due au « mécontentement provoqué par la situation sociale et les pénuries ». Maduro lui continue de dénoncer un « putsch » qui vise à le renverser. Les partisans du gouvernement réclament la démission de la procureure générale de la République.

27 mai | La crise politique et sociale au Venezuela doit aussi se comprendre par la crise économique qui touche le pays. Depuis maintenant des mois entiers, le pays fait face à de multiples pénuries : médicaments, nourriture etc. Une boîte d’une douzaine d’œufs, par exemple, coûte 6 000 bolivars, environ. 6 000 bolivars représentent 2,5 % du salaire minimum mensuel, le SMIC vénézuélien étant approximativement de 200 000 bolivars (65 000 auxquels s’ajoutent les 130 000 bolivars d’allocations alimentaires). Cela reviendrait en euros à acheter douze œufs pour 30 euros.

28 mai | Un article publié dans le Wall Street Journal explique que la banque d’investissement américaine Goldman Sachs est accusé par l’opposition vénézuélienne de soutenir le gouvernement de Nicolas Maduro. Selon l’article, le géant financier aurait acheté des obligations émises par la compagnie pétrolière publique, obligations d’une valeur nominale de 2,8 milliards de dollars. Des sources anonymes, citées par l’article, déclarent que la banque d’affaires aurait versé 865 millions de dollars.

29 mai | Une 59e victime est à déplorer au Venezuela alors qu’une vague de protestations anti Maduro touche le pays depuis deux mois. La victime est un jeune homme de 20 ans, grièvement blessé à l’abdomen samedi lors d’une manifestation à Lecheria, dans le nord du pays. Les autorités ont déclaré son décès, le lendemain à l’hôpital. César David Pereira Villegas a, selon le maire de la ville de l’hôpital dans lequel il a été admis, été victime de la répression brutale des manifestations. Gustavo Marcano, maire de Leicheria, est membre du parti Primero Justicia d’Henrique Capriles, un des chefs de l’opposition.

30 mai | La banque d’affaires Goldman Sachs a réagi aux accusations de l’opposition vénézuélienne. Dans un communiqué, la firme a confirmé avoir acheté des obligations, initialement émises en 2014, mais a aussi déclaré que ces obligations ont été achetées sur le marché secondaire, pour le compte de clients donc grâce à un intermédiaire et sans interagir directement avec le gouvernement du pays.

31 mai | Un appel international, lancé à l’initiative d’universitaires sud-américains, recueille de nombreuses signatures en Europe et en Amérique latine. Cet appel dénonce le caractère « autoritaire » du gouvernement Maduro et des « secteurs extrémistes dans l’opposition ».  De leur côté, les États membres de l’Organisation des États américains (OEA) a organisé une réunion ce mercredi pour discuter de la situation de crise au Venezuela.
1 juin | Le président vénézuélien s’accroche à son idée d’Assemblée constituante, malgré les manifestations qui continuent. En effet, il a annoncé mardi soir sur la télévision d’État VTV: « le pays est en train d’emprunter le chemin de la Constituante, c’est un grand jour […]. Allez vous inscrire, candidats et candidates à l’Assemblée nationale constituante ! » L’inscription des candidats à la Constituante voulue a commencé donc aujourd’hui, jeudi 1er juin.

2 juin | Pour apaiser l’opposition, qui refuse la volonté de Maduro de créer une Assemblée constituante visant à écrire une nouvelle Constitution et tout dialogue, le président a promis de faire valider par référendum la nouvelle Constitution. « La nouvelle Constitution fera l’objet d’un référendum consultatif pour que ce soit le peuple qui dise s’il est d’accord ou non », a annoncé Maduro à la télévision nationale. La date de ce référendum reste cependant inconnue.

3 juin | Les opposants au président Nicolas Maduro ont une nouvelle fois défilé ce samedi à Caracas. En brandissant des casseroles vides, ils ont voulu symboliser et dénoncer la pénurie d’aliments et la faim qui touche le Venezuela. Le député d’opposition Miguel Pizarro a déclaré à l’Agence France Presse (AFP) que cette nouvelle étape du mouvement de protestation visait à toucher les secteurs populaires de la ville. Après deux mois de mobilisations le bilan lui s’élève à 63 personnes tuées.

4 juin | La mort d’Orlando Figuera, 22 ans, élève encore le bilan des personnes décédées depuis le début des manifestations au Venezuela début avril. Le jeune homme est décédé à l’hôpital où il était traité pour de graves brûlures, a tweeté le parquet, ajoutant que l’enquête se poursuivait pour établir les circonstances de son agression. Il avait été poignardé et brûlé vif lors d’un rassemblement le 20 mai contre le président socialiste Nicolas Maduro.

5 juin | Leopoldo López, prisonnier politique derrière les barreaux d’une prison militaire depuis 3 ans et trois mois, à l’isolement et torturé selon sa femme, a reçu une proposition d’assignation à résidence par les autorités. C’est sa femme, Lilian Tintori, qui a porté la nouvelle au grand jour, expliquant aussi que son mari aurait refusé. En effet, elle a déclaré qu’« il ne négocierait pas sa liberté, puisqu’il s’agit de la liberté de tout un pays ».

6 juin | Le Pape François rencontrera jeudi 8 juin les responsables de la Conférence épiscopale vénézuélienne (CEV). Le Saint-Siège a précisé dans un communiqué publié lundi 5 juin dans la soirée que « la rencontre a été demandée par cette même conférence épiscopale qui désire parler au pape de la situation au Venezuela ». Cette rencontre aura lieu entre le conseil de présidence de la CEV et les deux cardinaux vénézuéliens Jorge Urosa Savino et Baltazar Porras.

7 juin | Après la mort d’un adolescent de 17 ans lors d’une manifestation aujourd’hui à Chacao, un quartier situé dans l’est de Caracas, le ministre de la Défense, Vladimir Padrino Lopez, a exprimé son désir de voir ce qu’il définit comme des « atrocités » prendre fin. Le décès de l’adolescent porte à 66 le nombre de manifestants tués depuis le début du mouvement de contestation en avril. Un millier de personnes ont été blessés et des centaines de personnes ont été arrêtées depuis deux mois, selon le parquet.

Maud REA