Venezuela : une nouvelle semaine chaotique rythmée par une intensification des crises et des manifestations

Le Venezuela est secoué par une vague de manifestations hostiles au chef de l’Etat, qui ont souvent dégénéré en affrontements avec les forces de l’ordre et en pillages. Elles ont fait en plus de six semaines 43 morts et plus de 700 blessés, selon le parquet. Les dirigeants de l’opposition dénoncent une « répression brutale » et des actions dictatoriales, tandis que le gouvernement accuse ses adversaires de promouvoir des « actes terroristes » en vue d’un « coup d’État ».
photo: Frederico Parra – AFP

11 mai : Le gouvernement vénézuélien vient de limoger sa ministre de la Santé, Antonieta Caporales. Cette décision intervient après la divulgation mercredi 10 mai d’un bulletin épidémiologique du ministère reconnaissant que la mortalité infantile avait augmenté de 30,12% entre 2015 et 2016, ce qui confirme la grave situation sanitaire dans le pays connaissant déjà de nombreuses crises économiques, politiques et sociales. La situation est critique au Venezuela. Outres les heurts et les manifestations, la pénurie a fait exploser les prix des denrées et prospérer le marché noir. La majorité des Vénézuéliens sont désormais confrontés à la pauvreté. Fin avril par exemple et ce dans plusieurs magasins, on ne trouvait déjà plus d’œufs, un produit dont le prix a augmenté de 2 117 % en un mois. Les estimations pour 2017 prévoient une hausse des prix et des services de 500 à 1 200%. Après l’implosion du modèle économique bolivarien, les Vénézuéliens doivent maintenant transporter d’énormes sommes d’argent pour combler leurs besoins de base. Le pays doit faire face donc à des mouvements sociaux contestataires de plus en plus grandissants, une crise sanitaire et alimentaire ainsi qu’à une énorme inflation.

12 mai : Deux agents de la police nationale ont été pris en otage lors d’une manifestation contre le président Nicolas Maduro à San Cristobal. Encerclés pendant la manifestation, ils ont ensuite été retenus par un groupe de manifestants pendant une dizaine d’heures dans une maison. Pour la libération de ces policiers, la libération d’opposants détenus était demandée à travers une vidéo où les policiers étaient forcés à parler. Le Défenseur du peuple Tarek William Saab a validé cette demande mais le vendredi soir après une nouvelle intervention de celui-ci sur Twitter, ils ont été libérés.

13 mai : Ce samedi les rues du Venezuela ont été le théâtre de nouvelles manifestations contre le gouvernement. A bord de caravanes, de voitures, de motos, de vélos et même de chevaux les protestataires ont défilé pour une nouvelle fois montrer leur mécontentement. Les différents moyens de transport étaient remplis de manifestants munis de drapeaux vénézuéliens et de pancartes contre Nicolas Maduro. A cette occasion Freddy Guevara, le vice-président du Parlement, seul organe public contrôlé par l’opposition, a assuré à l’AFP que « [l’opposition va] continuer, dans la rue, à trouver une sortie de crise ».  Maduro a de nouveau accusé le chef de l’opposition de tout mettre en œuvre pour déstabiliser le pays : « J’accuse Julio Borges pour toutes les violences, pour tous les morts et les atrocités qui ont lieu dans le pays et pour son appel à la violence ». Une manifestation regroupant des grands-parents souhaitant un meilleur avenir pour leurs petits enfants a aussi eu lieu ce samedi.

14 mai : Alors qu’une nouvelle manifestation d’opposition au pouvoir avait lieu en ce jour de fête des mères, le président vénézuélien a été accusé lors d’avoir versé des pots-de-vin à des brésiliens responsables de la campagne électorale de l’ancien président du Venezuela, Hugo Chavez. C’est l’une des retombées du scandale de corruption au Brésil, qui atteint aussi les anciens présidents Lula et Dilma Rousseff. Lors d’un interrogatoire Monica Moura, une des responsables du marketing politique de Lula, a affirmé que Nicolas Maduro lui a remis à plusieurs reprises des mallettes pleines d’argent liquide, durant la campagne électorale de 2012. Nicolas Maduro était alors le ministre des Affaires étrangères d’Hugo Chavez, dont la campagne avait été confiée à Monica Moura et à son mari João Santana.

15 mai : L’opposition a aujourd’hui appelé la population à continuer les manifestations contre le gouvernement et le président Maduro. Depuis six semaines, les mobilisations sont presque quotidiennes au Venezuela. A chaque manifestation, de nombreuses routes sont bloquées pendant plusieurs heures. Dans ce contexte, un certain nombre de secteurs d’activités et de métiers sont affectés. C’est tout particulièrement le cas des très nombreux commerces et activités de la municipalité de Chacao, à l’est de la capitale, où ont lieu la grande partie des manifestations depuis début avril. Avenida Francisco de Miranda est l’une des principales avenues de la mairie de Chacao et un passage récurrent des marches contre le président Maduro depuis début avril. Les jours de manifestations, beaucoup de commerces ferment par précaution ou baissent le rideau plus tôt, faute de clientèle. Les chauffeurs de taxi et de bus, par exemple sont eux aussi préoccupés par la situation.

16 mai : Un jeune homme de 17 ans a succombé ce jour à ses blessures après avoir été blessé la veille, par balle, lors d’un rassemblement contre le président Nicolas Maduro. Il s’agit du 40e mort depuis le début des manifestations contre le président. De nombreux cortèges lui ont rendus hommage, ainsi qu’aux 39 autres victimes. Cette crise préoccupe le CELAM. Réunis en assemblée générale ces derniers jours au Salvador, les évêques d’Amérique du Sud et des Caraïbes ont fait part de leur tristesse devant la violence, la violation des droits humains, et la souffrance du peuple vénézuélien, et appellent tous les diocèses du continent à mettre en place des initiatives de charité envers leurs frères vénézuéliens. Le cardinal Parolin, secrétaire d’Etat du Saint-Siège, et ancien nonce à Caracas, a pour sa part réitéré l’appel du Pape François lancé au bon sens de toutes les parties, afin de trouver des voies de dialogue : « à mon avis, la solution, ce sont des élections ». Très critiques à l’égard de la politique menée par le président Nicolas Maduro, les évêques vénézuéliens invitent à une journée de prière dans toutes les églises du pays, le 21 mai.

17 mai: L’annonce du 1er mai de Nicolas Maduro relative à la création d’une Assemblée constituante, déjà dénoncée comme étant une « fraude » par l’opposition, fait aujourd’hui débat au sein même du camp chaviste et est loin de faire l’unanimité au sein du pouvoir. Cette Assemblée constituante, ayant pour but de remplacer les élections, est jugée comme contraire à la Constitution et au suffrage universel, selon les opposants du régime, puisque les membres de cette Assemblée seraient désignés par des corporations ou des unités territoriales contrôlées par le chavisme. La Constitution de 1999 est le seul héritage de Chavez a avoir obtenu l’approbation des vénézuéliens grâce à un vote. Suivant les traces de la procureure générale de la République Luisa Ortega -qui est la première a avoir pris ses distances avec le gouvernement en avril-, Hildegard Rondon de Sanso, ancienne juge de la Cour suprême, qualifie l’Assemblée constituante annoncée par M. Maduro le 1er mai de « grande attaque contre la tranquillité publique », contre « l’ordre juridique en vigueur et la Constitution ». Eustoquio Contreras, député chaviste, estime que « maintenant, les ennemis de cette Constitution sont justement ceux que Chavez avait chargés de la défendre ». Hector Navarro, ancien ministre de l’éducation, critique ce qu’il pense être une entorse au suffrage universel et défini même l’Assemblée proposée par Maduro comme « sectaire ». Alors que le nombre de morts dû aux affrontements pendant les manifestations est aujourd’hui de 42 et que l’opposition ne faibli pas, des doutes se dessinent et s’accentuent au sein du camp chaviste au pouvoir.

18 mai: Alors qu’à la demande des Etats-Unis le Conseil de sécurité de l’ONU a tenu, mercredi, une réunion d’urgence pour examiner la situation politique et humanitaire grave au Venezuela, Nicolas Maduro a commencé à envoyer 2.600 militaires dans l’État de Tachira, dans l’ouest du pays, après des pillages et des attaques. « J’ai ordonné le transfert de 2.000 soldats et 600 agents des opérations spéciales », a déclaré le ministre de la Défense Vladimir Padrino Lopez à la télévision d’État VTV, précisant agir à la demande du président socialiste. Cette annonce est une réponse à la mort d’un jeune manifestant vénézuélien de 15 ans. Il est décédé mercredi dans l’Etat de Tachira, secoué par des violences et des pillages, portant à 43 le bilan des morts depuis début avril, a annoncé le parquet.

Maud REA