Un proche de Rafael Correa a été élu de justesse le nouveau président d’Équateur

Lenin Moreno, candidat du parti au pouvoir en Équateur, est légèrement en tête de l’élection présidentielle pour désigner le successeur de Rafael Correa, dont il a été le vice-président de 2007 à 2013. Le choix des électeurs s’inscrit dans la continuité du régime de Rafael Correa de choisir entre le socialisme du XXIè siècle ou un virage à droite, scrutin crucial pour une gauche latino-américaine affaiblie.

Photo : Alchetron.com

L’ancien vice-président Moreno est crédité de 51,07 % des voix à l’issue de ce second tour, selon un résultat partiel diffusé par le Conseil national électoral (CNE) et portant sur 94,20% des bulletins dépouillés. Mais son adversaire, l’ex-banquier Guillermo Lasso, crédité de 48,93 % des suffrages d’après le CNE, a dénoncé une « fraude » présumée et s’est dit prêt à contester le résultat. Des centaines de partisans des deux bords se sont rassemblés devant le CNE, dont les accès ont été barrés pour prévenir d’éventuels incidents, suite aux protestations de l’opposition après le premier tour, le 19 février.

À 64 ans, Lenin Moreno, le candidat du parti au pouvoir, Alianza PAIS (AP, Patria Altiva i Soberana : Patrie altière et souveraine – l’acronyme jouant sur le mot pays en espagnol) se veut l’apôtre d’une politique sociale, mais moins polémique que celle de son charismatique mentor. Il a axé son ultime discours contre la corruption, allant jusqu’à promettre « une chirurgie radicale […] aux corrompus de ce gouvernement », « aux corrompus d’hier et de maintenant ». On rappelle qu’il a accusé Lasso de s’être enrichi pendant la grave crise financière de 1999 alors qu’il était ministre de l’Economie.

Aux législatives du 19 février, AP a perdu sa majorité des deux-tiers, conservant néanmoins la majorité absolue à l’Assemblée. Elle a le soutien des classes populaires, bénéficiaires des programmes de la « Révolution citoyenne » et du « Socialisme du XXIe siècle » corréiste.

La sécurité sociale, la réduction des inégalités et la promotion de l’éducation de la révolution des citoyens ont joué en faveur du modèle correíste. Ainsi, il a pu compter sur le soutien des classes populaires, principales bénéficiaires des politiques sociales entreprises ces dix dernières années par le gouvernement socialiste. Avec 39,36 % des voix, il avait raté de peu une victoire dès le premier tour, en février dernier.

L’augmentation du chômage, l’augmentation de la dette extérieure, la détérioration des libertés civiles et d’expression, et une économie en crise ont cependant incité près de la moitié des Équatoriens à adhérer aux propositions de Lasso. « Le gouvernement s’est distingué par l’amélioration des infrastructures routières, de l’hôpital et des travaux publics, mais lorsque le prix du pétrole s’est écroulé, la gestion financière s’est montrée clairement insoutenable » a déclaré Basabe, docteur en Sciences Politiques, opposant à Moreno. De fait, les généreuses politiques sociales du gouvernement se heurtent depuis 2013 à la baisse des revenus tirés du pétrole, et les exportations (bananes, café) sont freinées par la remontée du dollar américain, seule monnaie en circulation dans le pays depuis l’abandon de sa devise, le sucre, en 2000.

 Dénonçant « la dictature » du parti corréiste, M. Lasso, 61 ans, avait appelé au « changement », promettant de créer un million d’emplois et de supprimer des impôts. Il attirait ainsi les classes moyennes qui ont souffert de la crise du secteur pétrolier. Mais le pays a donc choisi de continuer sur la voie socialiste et de ne pas virer à droite, comme l’ont fait ces derniers temps le Brésil, l’Argentine ou encore le Pérou. Le prochain chef de l’Etat doit prendre ses fonctions le 24 mai prochain.

Catherine TRAULLE