Le cimentier franco-suisse LafargeHolcim construira-t-il le mur de Donald Trump ? Grande polémique !

« Personne ne construit de mur mieux que moi » se vantait le président Donald Trump. Le 6 mars dernier, le Département de Sécurité nationale US a lancé l’appel d’offres aux entreprises intéressées à construire le mur entre les États-Unis et le Mexique. Les candidats se bousculent au portillon : on parle de plusieurs dizaines d’entreprises. Parmi elles, une allemande et une franco-suisse. Les autorités françaises appellent à la prudence.

Photo : J.Moore – Getty Images

Le mur aujourd’hui. Sa construction remonte à l’administration de Bill Clinton en 1994. Il s’agissait à l’époque de hauts grillages qui partaient des plages californiennes vers l’intérieur du pays. En 2001, le président George W. Bush le prolonge et le consolide au moyen de murs en béton. Le président Barack Obama équipe le mur de senseurs, de détecteurs de mouvements, de tours de vigilance et favorise la création de milices privées qui patrouillent la zone à la chasse aux migrants. Les équipes gouvernementales de détection comptent environ vingt mille gardes. Le président Donald Trump veut les augmenter à vingt-cinq mille.

Le mur de demain. Le cahier des charges stipule que le mur devra avoir un minimum de quatre mètres de haut et que, sur toute sa longueur, il sera équipé de miradors et de tout le matériel nécessaire à la détection de jour ou de nuit du moindre mouvement… Il existe déjà plus de mille cent kilomètres de maillages, murs et barrières diverses. Le président Trump veut en construire le double, jusqu’à couper le continent en deux. L’estimation inférieure du coût de cet ouvrage serait de dix milliards de dollars, la supérieure de près de vingt-cinq milliards !

Quelles conséquences ? Dans une enquête publiée en janvier dernier, la BBC Mundo souligne plusieurs effets néfastes, dont par exemple : 1- La mort de nombreuses personnes. Le mur obligera les candidats à la migration à traverser de vastes zones désertiques où les températures varient de 0°C à 50°C. Les gardes-frontières ont déjà récupéré six mille cinq-cents corps et enterrés mille cinq-cents autres sans les identifier.  2- Le mur est inefficace contre le narcotrafic. En effet, celui-ci utilise des méthodes qui n’obligent pas à passer la frontière : canons, catapultes et drones sont les plus connues. Et s’il faut la passer, la construction de tunnels sophistiqués est courante.  3-  Des difficultés économiques de passages frontaliers plus restrictifs. Le président Trump veut annuler des milliers de visas, augmenter les tarifs, rendre le passage plus difficile. Actuellement, le passage d’un pays à l’autre se fait sur quarante points de frontière par où passent dans un sens ou l’autre trois cent mille véhicules et un million de personnes par an, et plus de  quinze mille camions par jour. Il faut parfois patienter trente heures pour passer… Plusieurs villes des États-Unis (El Paso, Nogales, Laredo) dépendent de l’économie mexicaine. Restreindre encore plus les conditions provoquera un énorme chaos.

Position des cimentiers : les ‘pour’ et les ‘contre’. Jusqu’à présent, seules les compagnies allemande Hochtief et irlandaise CRH semblent avoir ouvertement refusé de participer à la construction du mur. Par contre, la mexicaine CEMEX et d’autres cimentiers latino-américains reconnaissent « avoir un intérêt » dans ce projet : « Si on nous demande un devis, nous le ferons » a déclaré Rogelio Zembrano, président du Conseil d’administration de CEMEX au journal mexicain Reforma. Parmi les ‘pour’, deux entreprises européennes : l’allemande Heidelberg et la franco-suisse LafargeHolcim.

L’allemand Heidelberg Cement. Selon le journal allemand Deutsche Welle (DW), Bernd Scheifele, dirigeant du cimentier, a déclaré : « Nous possédons des cimenteries au Texas et en Arizona, donc bien placées pour la construction du mur ». Scheifele prétend que ses propos ont été sortis de leur contexte et botte en touche en déclarant que la décision finale « devra être prise par la direction de la filiale états-unienne »

Le Franco-Suisse LafargeHolcim. LH est né en 2015 de deux grands cimentiers européens : le Français Lafarge et le Suisse Holcim. Le siège de l’entreprise est en Suisse. Elle possède de nombreuses cimenteries aux États-Unis. Pour son PDG, Eric Olsen : « Nous sommes le premier cimentier aux États-Unis… Nous soutenons la construction et le développement du pays… Nous ne sommes pas une organisation politique ». Suite à une question écrite envoyée par Deutsche Welle, LafargeHolcim ont répondu par courrier électronique que, en effet, « Le gouvernement des États-Unis est l’un des clients de la compagnie » (1).

Les autorités françaises plutôt ‘contre’ ! « Le groupe devrait se montrer prudent avant de se porter candidat » pour fournir le ciment du mur, a déclaré depuis Bruxelles le président François Hollande le jeudi 9 mars. L’entreprise « devrait bien réfléchir », renchérit le ministre des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault. Et le candidat présidentiel Emmanuel Macron d’avertir lors de son déplacement à Bordeaux que « Être une entreprise privée n’affranchit pas d’avoir une conscience  éthique… Nos entreprises ont une responsabilité sociale et environnementale et participent à l’ordre du monde ». On n’avait pas entendu de tels appels « à l’éthique » de la part des dirigeants français pour vendre Rafales et Mistral à des dictatures ! Mais pour tous, « business is business » !

Jac FORTON

(1) Journal Deutsche Welle en ligne du 6 mars 2017 – la BBC Mundo souligne.