Des réalisateurs argentins Mariano Cohn et Gaston Duprat en salle cette semaine

Le cinéma latino n’a pas été très à l’honneur en ce début d’année. Seul Pablo Larraín a proposé Neruda début janvier, puis Jackie en Février. Heureusement au moins quatre films sont signalés pour mars, par ailleurs mois de nombreux festivals. Citoyen d’honneur des Argentins Mariano Cohn et Gaston Duprat cette semaine et El soñador en salle la semaine prochaine, deux films que l’on peut recommander.

 Citoyen d’honneur, de l’Argentin Daniel Mantovani.   Lauréat du Prix Nobel de littérature, il vit en Europe depuis plus de trente ans. Alors qu’il refuse systématiquement les multiples sollicitations dont il est l’objet, il décide d’accepter l’invitation reçue de sa petite ville natale qui souhaite le faire citoyen d’honneur. Les auteurs de Citoyen d’honneurMariano Cohn et Gastón Duprat, qui se connaissent depuis plus de 25 ans, ont choisi de situer leur film dans une petite ville loin de Buenos Aires, Salas. « Cette ville est forcément moins cosmopolite et plus fermée. Du coup, c’est l’endroit parfait pour raconter une histoire comme celle de Citoyen d’honneur, où le retour du prodige local provoque énormément de tensions. Ce décalage entre les habitants et l’artiste, auquel s’ajoute le comportement parfois déplacé de celui-ci, contribue à la vague de mécontentement qui balaie la ville. Nous aimions aussi que le film vienne contredire la vision un peu ‘cliché’ que les lecteurs européens peuvent avoir d’une petite ville latino-américaine. »

Le film commence très fort avec la remise du prix Nobel de littérature – prix d’ailleurs qu’aucun argentin n’a jamais obtenu. Ce que j’ai beaucoup aimé, c’est l’humour dont font preuve les deux cinéastes, découverts en 2011 avec L’Homme d’à côté. Quelle idée pour Mantovani de retourner quarante ans après dans son village natal, qu’il ne semble pas décrire très favorablement dans ses livres ? Il est plutôt le prototype du macho sud-américain. Oscar Martinez est merveilleux dans ce rôle d’écrivain. D’ailleurs il a reçu le Prix d’interprétation masculine au Festival de Venise 2016. Dernière pirouette des auteurs : « Le film ne montre jamais Daniel Mantovani en train d’écrire, du coup nous avons eu envie de savoir ce que pouvait réellement valoir son travail. Nous avons décidé, en collaboration avec Random House Mondadori, de faire éditer un roman du faux Prix Nobel argentin de littérature. Il a fallu d’abord déterminer ce que le livre allait raconter et ensuite le style d’écriture à adopter. La rédaction a été confiée à un écrivain connu, et bien réel lui, qui a néanmoins gardé l’anonymat. L’idée est maintenant de publier les sept autres romans de Daniel Mantovani », déclare Gastón Duprat.

El soñador, (le rêveur) du Péruvien Adrián Seba.   Pour échapper brièvement à sa morne existence de petit criminel, Sebastián se laisse dériver dans le monde de ses rêves. C’est le seul endroit où il peut se protéger, lui et son amour pour Emilia, et échapper aux menaces du monde réel. Mais la frontière entre rêve et réalité devient floue…  Il s’agit du second film d’Adrián Seba après le très intéressant El Limpiador sorti fin 2013. Le cinéaste est né au Pérou en 1988 et a fait des études de cinéma à New-York. Ce premier film présenté dans de nombreux festivals lui permit de venir à la résidence du Festival de Cannes pour écrire un nouveau film. Le projet fut alors sélectionné à Cinéma en Développement de Toulouse, lui permettant de trouver un coproducteur français. El soñador  été présenté à la Berlinade l’an passé.   « Après avoir raconté une histoire comme El Limpiador avec une proposition cinématographique rigide, froide, avec peu de couleurs, je voulais faire un film avec plus de liberté cinématographique. J’ai trouvé cette liberté dans le monde des rêves et le monde des gangs qui ne sont pas régis par une loi ou un raisonnement. J’ai simplement raconté une histoire de manière émotionnelle avec une cinématographie fluide et une palette pleine de couleurs », déclare le réalisateur. Celui-ci a trouvé à Lima et dans son pays de beaux paysages. Le passage constant du rêve à la réalité  est assez bien vu. Mais l’utilisation d’une caméra à l’épaule  est trop systématique. Voulant faire preuve d’originalité, le cinéaste se brule un peu les ailes. Mais nous ne voyons que trop rarement des films péruviens.

Alain LIATARD