Michel Temer, président du Brésil, en pleine tourmente

Le gouvernement brésilien a applaudi un amendement à la Constitution qui gèle pendant vingt ans les dépenses publiques, une mesure phare du gouvernement de Michel Temer destinée à relancer la croissance.

Photo : The Appricity

Entre les scandales de corruption, les bombes lacrymogènes dans les rues et la confusion au Parlement, les choses vont mal pour le président Michel Temer qui essaie de sortir le Brésil, première économie d’Amérique latine, de la récession. Le gouvernement a applaudi mardi l’approbation de l’amendement à la Constitution qui gèle en volume pendant 20 ans les dépenses publiques, une mesure phare du gouvernement Temer destinée à relancer la croissance, mais qui est rejetée par la majorité des Brésiliens. « Cela a été une mesure historique », s’est félicité le ministre de l’Économie, Fernando Henrique Meirelles, choisi par le conservateur Temer pour remettre le pays sur les rails de la croissance. Mais depuis qu’il a remplacé la présidente de gauche Dilma Rousseff, écartée en mai puis destituée en août au terme d’une procédure controversée, M. Temer n’a pas de quoi se réjouir.

Le seconde partie de ses mesures d’austérité, qui prévoit d’augmenter l’âge minimum de la retraite de 60 à 65 ans, fait face à des réactions hostiles au Parlement et les manifestations se multiplient dans les rues. De plus, il plane sur le gouvernement et M. Temer lui-même des accusations de corruption liées au vaste scandale Petrobras, qui font trembler l’élite politique et industrielle du géant sud-américain.

Crédibilité en chute libre.  Quand Dilma Rousseff a été destituée, une bonne partie du pays a respiré, soulagé. Mme Rousseff avait été réélue pour un second mandat en 2014, mais sa popularité s’était vite effritée sous l’effet de la crise économique et des scandales de corruption. M. Temer, vieux renard de la politique et leader du PMDB (centre droit), vice-président de Mme Rousseff dans une coalition incommode, a alors pris les rênes, pour terminer son mandat jusqu’à la fin 2018.  Il a installé un nouveau gouvernement qui a marqué un virage à droite après 13 ans de pouvoir du Parti des travailleurs (PT, gauche). Ses positions répondaient aux demandes des investisseurs et des groupes économiques qui voulaient la destitution de Mme Rousseff. Cependant M. Temer est devenu rapidement aussi mal aimé que la dirigeante de gauche. Aujourd’hui, sa popularité est à 10 % et 60 % des Brésiliens rejettent ses mesures d’austérité, selon les sondages. Contrairement à Mme Rousseff, il bénéficie du soutien du Parlement mais ce dernier commence à se fissurer.

Lors du vote mardi de l’amendement gelant les dépenses publiques en volume (hausse limitée à celle des prix), 53 sénateurs ont voté pour, contre 61 en première lecture, courant octobre. Il y a également des disputes internes au sein de la coalition gouvernementale qui rendront encore plus difficile le vote des réformes de la sécurité sociale et des retraites, tandis que le mécontentement populaire augmente.

Tourbillon de corruption.  En plus de ces difficultés, des parlementaires ont présenté une requête pour demander la destitution de M. Temer. L’analyste politique Michael Mohallem, de la Fondation Getulio Vargas (FGV, privée), estime toutefois peu probable que le gouvernement Temer tombe. La situation est « aussi critique ou pire que lorsque Rousseff était présidente. Mais il a le soutien du Parlement et il est peu probable qu’il suive le même chemin« , affirme-t-il. L’expert souligne toutefois qu' »avec ce climat plus difficile, sa situation se fragilise« .

L’étau se resserre autour de M. Temer dans le cadre du scandale Petrobras qui éclabousse une grande partie du Parlement et du gouvernement. L’enquête a déjà forcé plusieurs membres du gouvernement à la démission. Dernier départ en date, mercredi : celui de José Yunes, l’un des plus proches conseillers de M. Temer. Selon la presse, le secrétaire du programme d’investissements, Moreira Franco, serait sur le point d’en faire de même. L’opération « Lavage Express » est entrée dans une nouvelle phase avec les témoignages – en l’échange de remises de peine – de soixante-dix-sept anciens dirigeants et cadres du groupe de BTP Odebrecht, entreprise au cœur du scandale Petrobras. Même le chef de l’État a été mentionné : il aurait demandé près de trois millions d’euros pour financer des campagnes de membres de son parti. Michel Temer a « rejeté avec véhémence ces fausses accusations » samedi.

Par AWP,
d’après le Journal Bilan de Genève