Le film brésilien « Aquarius » de Kleber Mendonça Filho

Aquarius était le seul film latino en compétition à Cannes cette année. S’il en est reparti bredouille, il a été cependant très apprécié, et non seulement pour la banderole déployée à l’entrée de la salle en soutien à Dilma Rousseff, où était écrit un coup d’état a eu lieu au Brésil.  Un geste fort qui est bien en résonnance avec le personnage principal du film. En représailles le ministère de la justice brésilien a interdit le film aux moins de 18 ans. Maintenant, il voici sur nos écrans.

Après le très intéressant, Les bruits de Recife, Kleber Mendonça Filho, nous propose dans Aquarius (c’est le nom de la résidence de Clara), le portrait de sa ville Recife, prête à tout démolir pour faire de beaux immeubles sécurisés, et le portrait d’une femme de soixante ans, Clara, qui veut se battre pour garder son appartement et s’opposer aux jeunes promoteurs aux dents longues formés dans les écoles étatsuniennes. Très perturbée par cette tension, elle repense à sa vie, à son passé de critique musical, à ceux qu’elle aime et veut pouvoir vivre sa vie.
« Le cauchemar de Clara est tout d’abord réel, précise le réalisateur. Il s’agit de se voir seule dans une situation très inconfortable, où elle subit une forte pression pour le simple fait d’être chez elle, là où elle a toujours habité. Elle a le sentiment que quelqu’un a subitement décidé que son espace n’a plus aucune valeur, qu’il est démodé et qu’on doit s’en débarrasser. Confrontée à des opinions contraires aux siennes, y compris au sein de sa propre famille, Clara craint, par moments, de perdre la raison. Son état d’esprit est fragilisé, ce qui ouvre la porte à des sentiments déstabilisants. J’aime l’idée que cela nous mène vers le mystère et le doute, comme un cauchemar lucide ».  La mise en scène  est très élaborée en utilisant des plans séquences fluides et sensuels, qui fabriquent des sentiments  là ou la ville et ses promoteurs cherchent à détruire.
Clara est interprétée par la célèbre comédienne Sônia Braga qui aurait vraiment pu prétendre au prix d’interprétation à Cannes.  En France, nous la connaissons surtout pour ses rôles dans Dona Flor et ses deux maris (1976), Le baiser de la femme araignée (1985), ou Milagro de Robert Redford (1988). Mais elle a tournée dans de nombreuses séries surtout aux U.S.A. Un film à ne pas ignorer.
Alain LIATARD
B.D. Allociné Lire aussi la critique dans lesnrocks.com de cette semaine…