Cette semaine, trois films : “Desierto”, “Paulina” et “Fui banquero” nous emmènent du désert de Sonora au nord de l’Argentine.

Desierto du Mexicain Jonás Cuarón

C‘est le second film, après Año Uña en 2007, du fils du célèbre réalisateur mexicain de Gravity, Alfonso Cuarón. Désert de Sonora, sud de la Californie. Au cœur des étendues hostiles, emmené par Moisés, un père de famille déterminé, interprété par Gael García Bernal, un groupe de Mexicains progresse vers la liberté. La chaleur, les serpents et l’immensité les épuisent et les accablent… Soudain des balles se mettent à siffler. On cherche à les abattre, un à un. Desierto est en quelque sorte, la version terrestre de Gravity, film auquel Jonás Cuarón avait participé : “Mes principales références, explique-t-il, ont été Duel, de Spielberg, et Runaway Train, de Kontchalovski… Deux films qui semblent être de purs thrillers, de purs films d’action, mais qui finalement dépassent l’action pour devenir existentiels…”

Voici ce qu’écrit Jonathan Chevrier sur le site Sens Critique : “Périple éprouvant d’une famille luttant pour son avenir et sa survie face à un monstre alcoolique au déterminisme tout aussi imposant – et aveuglé par son désir de nettoyer les frontières de son pays -, Desierto est une expérience de cinéma à part, une chasse à l’homme suffocante à la violence aussi sourde que radicale, s’appuyant sur un fait social brûlant (l’immigration illégale et la politique brutale pour l’endiguer, encore plus d’actualité aujourd’hui avec les présidentielles US et la campagne très conservatrice de Trump) pour mieux incarner une série B tendue et furieuse.

Épuré (le script va constamment à l’essentiel) et mené tambour battant, magnifiant un décor naturel exigeant – le désert de Sonora au sud de la Californie – qui incarne pourtant un véritable personnage à part entière de l’histoire, porté par une mise en scène minutieuse à l’extrême (Jonás a le même souci du détail limite obsessionnel que son père) et une photographie lumineuse signée Damian García ; le film vaut surtout et avant tout pour la partition démente de son duo d’acteurs vedettes. En père de famille courage et au prénom à forte résonance biblique (Moises, un détail loin d’être anodin au vu de l’histoire), Gael García Bernal convainc mais se fait pourtant méchamment voler la vedette par un Jeffrey Dean Morgan des grands jours parfait en véritable fou furieux ; un animal malade assoiffé de sang aussi barbare que sadique, une bête de guerre accompagnée d’un chien tout autant tétanisant que lui… Un thriller haletant et violent. ”

Fui banquero (J’ai été banquier) de Patrick et Émilie Grandperret

Peu après le décès de son père, la banque envoie Olivier travailler à la Havane. La mission étant annulée, Olivier va rester à Cuba, pratiquement clandestinement. Il découvre une manière de vivre qui lui plaît, dans ce pays en pleine mutation économique, où même l’interdit favorise la débrouille. Patrick Grandperret voulait tourner à nouveau à Cuba, après Couleur Havane (Arte, 1998). Pour sa fille Émilie : “Moi, c’était surtout l’envie de faire un film libre. Un film où on partait loin et où on pouvait réfléchir sur place, sans passer par des années d’écriture où on réécrit sans cesse, où on change les virgules et où au bout d’un moment, on ne sait plus ce qu’on raconte. J’avais envie de me confronter à ce qui se passe sur le plateau, de faire un film dans des conditions qu’a connues mon père dans le passé et que je n’ai malheureusement pas connues vu la façon dont le cinéma a évolué. ” Mais le film est raconté à la manière d’un conte. C’est donc d’une manière mythique que ce film parle de La Havane. Mais cet aspect n’est pas complètement tenu. On ne croit pas assez au personnage interprété par Robinson Stévenin. Par contre, les acteurs cubains, pourtant non professionnels, sont très bien.

Paulina de Santiago Mitre

Présenté à Cannes l’an passé où il a reçu le Grand Prix Nespresso  de la Semaine de la critique, Paulina est le second film de l’argentin Santiago Mitre, après El estudiante en 2011.

Paulina, une jeune femme, décide de renoncer à une brillante carrière d’avocate pour se consacrer à l’enseignement dans une région défavorisée d’Argentine, Misiones, située au Nord-ouest, enclavée entre le Paraguay et le Brésil, non loin des chutes d’Iguazú. Confrontée à un environnement hostile, elle s’accroche pourtant à sa mission pédagogique, seule garante à ses yeux d’un réel engagement politique, quitte à y sacrifier son petit ami et la confiance de son juge de père. Peu de temps après son arrivée, elle est violemment agressée par une bande de jeunes… “J’ai essayé de construire une fable politique centrée sur la conviction. Je me sens plus à l’aise avec les fables qui empruntent une forme classique : une ligne narrative simple, des personnages forts, un point de vue clair, des enjeux sociaux contemporains. Je suis toujours très soucieux du rythme et de la tension dans la narration.”

Paulina commence par un remarquable plan séquence de huit minutes et parle de situations complexes et les traite de façon ambigüe. Plus précisément, c’est le comportement de Paulina qui peut sembler ambigu. Mais, comme c’est le cas des films lorsqu’ils sont intelligemment écrits, l’important n’est pas de comprendre un personnage mais d’y croire. On croit à ce personnage qui, malgré un accident qui aurait pu la détruire, se relève et refuse toute facilité. On croit à cette héroïne singulière qui, en imaginant les règles nouvelles d’une autre société, refuse donc que la société telle qu’elle est lui dicte son comportement. « Avec les pauvres, on ne cherche pas la vérité mais des coupables ». Santiago Mitre raconte avec audace le parcours d’une femme qui, fidèle à elle-même, est contrainte d’aller au-delà des discours bien-pensants pour voir le réel tel qu’il est – dans l’espoir de le changer. Porté par une construction surprenante, Paulina est une vraie réussite.” (Nicolas Bardot). Ce film revisite un film argentin de Daniel Tinayre, La Patota (1961) où prévalait le pardon, tandis que Santiago Mitre  met l’accent sur le psychologique, le social et le politique. Un film qu’il faut voir aussi pour l’interprétation magnifique de Dolores Fonzi, que l’on retrouvera bientôt dans Truman.

Alain LIATARD

Bande-annonce de Desierto – Bande-annonce de Paulina – Bande-annonce de Fui banquero – Photo : (CC) Allociné