Avec “Popa Singer“, l’écrivain haïtien René Depestre rend hommage à sa mère

Le dernier opus de l’écrivain haïtien René Depestre, âgé de 90 ans, Popa Singer, publié par les éditions Zulma en janvier dernier est applaudi par la critique en France.

Écrit dans son village de l’Aude où il s’est installé depuis une trentaine d’années, ce livre a été un projet plusieurs fois abandonné puis enfin sorti d’un tiroir où il dormait. Comportant 12 chapitres, le roman de 160 pages empli de l’univers surréaliste et métaphorique de l’auteur, nous plonge dans l’histoire et la géographie d’Haïti ainsi que dans la biographie de cet immense poète.

René Depestre, âgé de 90 ans, qui se définit lui-même comme “l’enfant-poète-émerveillé ” confesse n’avoir jamais cessé d’écrire. Aujourd’hui, il nous offre 30 ans après Hadriana dans tous mes rêves (Gallimard, 1988, prix Renaudot), son nouveau roman Popa Singer. Ce livre autobiographique, écrit dans sa langue poétique, baroque, empreinte d’une humeur caustique, est un merveilleux hommage à la mère, Dianira Fontoriol, femme éclairée baptisée Popa Singer. Dans l’un de ses poèmes précédents, il écrivait à propos d’elle : “ Fée du courage et du savoir-vivre-ensemble ”.

L’histoire de ce nouveau roman testament met en scène le retour au pays de Richard Denizan, double de l’auteur, au début de l’ère Duvalier, dans les années 50. Elle nous conte une partie de la vie du poète dans son pays natal et nous fait redécouvrir l’histoire convulsive haïtienne et la richesse de sa culture populaire, en particulier le vaudou. La mère, Popa Singer, figure centrale du roman, est une matriarche de tempérament tropical qui, à la mort du mari, doit s’occuper seule de ses enfants. Grâce à l’aide de sa machine à coudre habitée par un Loa blanche, un esprit vaudou et achetée à un commerçant allemand, la mère a pu résister à sa manière au tyran caribéen Duvalier, Papa Doc et surtout envoyer ses enfants à l’école. René Depestre raconte avec sa langue flamboyante comment la mère a fait face au macoute (milice de Duvalier père) qui pointait son colt 45 vers sa nuque lorsque celui-ci cherchait dans la bibliothèque de la maison des preuves contre son fils René.

Popa Singer est aussi l’histoire d’un duel à Jacmel, ville natale de l’auteur, comme García Márquez racontait le Macondo de la famille Buendia dans Cent ans de solitude. Tout le récit tient dans une éloquente dialectique entre la monstruosité aberrante de Papa Doc (le dictateur Duvalier) et cette “ maman-bobine de fil” qui “fera planer son cerf-volant enchanté dans l’azur féminin de l’histoire, en mère nourricière, ravie d’alimenter en brins de toute beauté la machine Singer à coudre les beaux draps d’un réel-merveilleux germano-haïtien. ”

“ Styliste hors pair et maître d’une langue incomparablement inventive, mêlant allègre faconde et humour au vitriol, ne lâche rien de son verbe en transe ludique, véritable incendie d’allusions et de métaphores pour dire un monde de folie. ” (1)

Cependant, dans son village de l’Aude “René Depestre choisit de ne pas vivre dans la nostalgie de sa terre et prend garde de ne pas transformer l’écriture de l’exil en un chant de la douleur. L’érotisme solaire de ses poèmes de jeunesse éclaire Popa Singer, dont on retient l’inventivité et l’expressivité de la langue, une folie incantatoire, une danse frénétique des mots qui dans son tourbillon bouscule la dictature passée et remercie la très grande humanité de la mère”(2)

Nous sommes venus le rencontrer dans les années 90 dans sa maison et nous avons échangé de longues conversations et courriers avec lui. Nous lui avons consacré un numéro spécial dans Espaces Latinos en 2009, il devait être notre invité d’honneur au festival littéraire Belles Latinas en 2008 mais il a préféré ne pas se déplacer à cause de sa santé fragile et se consacrer à l’écriture, sa grande passion.

Pour en savoir plus sur René Depestre et son œuvre, nous vous proposons de lire l’entrevue que nous avions faite dans le numéro 250 de notre revue Espaces Latinos.

Olga BARRY

Popa Singer de René Depestre aux éditions Zulma, 160 p. , 16 € 50. SITE

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(1) et (2) Lou Dev Darsan, lectrice et libraire, fait une très belle présentation de Popa Singer dans son blog Feuilles volantes.