Une élection présidentielle rejet des politiciens : le comédien Jimmy Morales grand vainqueur !

Le premier tour du 6 septembre dernier avait apporté son lot de surprises. Le second tour de ce 25 octobre n’en a apporté aucune. Le ras-le-bol des Guatémaltèques envers la corruption de leur classe politique a ouvert la voie au comédien Jimmy Morales qui obtient 67,44 % des voix, loin devant les 32,56 % de son opposante Sandra Torres.

Les élections présidentielles ont eu lieu dans un climat de ras-le-bol des citoyens envers les politiciens suite à de sinistres affaires de corruption englobant les plus hauts niveaux de l’État. Rattrapé par la corruption, le président Otto Pérez Molina et sa vice-présidente Roxana Baldetti avaient été obligés de démissionner sous la pression de dizaines de milliers de citoyens qui, perdant toute peur de la répression, ont manifesté pendant plusieurs semaines devant le Palais présidentiel, un événement qui marque un changement historique dans le rapport des citoyens avec leur classe politique

Un 1er tour à surprises

Le 6 septembre, première surprise : le vainqueur est Jimmy Morales, du FCN (Frente Convergencia Nacional), un administrateur d’entreprises et comédien, avec 23,85 % des voix. Deuxième surprise : alors que l’on estimait que la participation citoyenne serait faible en vertu des manifestations de rejet de la politique par la population, le taux de participation atteint les 70 %, un des plus élevés de l’histoire récente. Troisième surprise : alors que le candidat Manuel Baldizón du parti LIDER (Libertad Democrática Renovada), notaire, économiste et docteur en droit, devançait ses rivaux dans les sondages, c’est Sandra Torres du parti UNE (Unión Nacional de la Esperanza), qui emporte la seconde place avec 19,76 % des voix devant Baldizón (19,64 %) !

Un 2e tour sans surprise…

Entre les deux tours, les deux candidats avaient énoncé les mêmes promesses : promouvoir la transparence dans la gestion publique, améliorer l’administration et les services publics, en particulier le système de santé. Ils s’opposent tous deux à la légalisation de l’avortement et font la cour aux églises évangéliques qui représentent une partie croissante de la population. Ils ont évidemment promis de lutter contre la corruption et l’évasion fiscale. Lors des débats, plutôt que de défendre leurs programmes, les deux candidats ont surtout attaqué le rival.

Sandra Torres

Torres fut l’épouse de l’ancien président Álvaro Colom (2008 -2012). Celui-ci ne pouvant se présenter pour un second mandat (la Constitution l’interdit), et son épouse non plus (membre de la famille du président), ils avaient divorcé pour que Torres puisse briguer le poste aux élections de 2011. Mais c’est Otto Molina qui l’emporta. La sœur, une fille et une nièce de Torres ont eu des problèmes avec la justice pour fraude fiscale ou lien avec le narcotrafic… Le parti UNE de Sandra Torres est considéré de centre-centre droit. Sa méthode de campagne électorale fut de visiter les municipalités : moins de grands meetings, mais plus proche de la population. Le problème fut que si de nombreux maires lui ont déclaré leur soutien, les administrés, eux, ayant perdu toute confiance dans les politiciens, votèrent en masse pour le comédien !

Jimmy Morales 

Le candidat Morales eut l’habileté de se placer aux côtés des citoyens en déclarant :Je fais partie des mécontents de ce système et je m’engage fermement au côté de la clameur populaire pour commencer à faire les choses autrement… Cette clameur veut une réforme de la Loi électorale et des Partis politiques et exige des changements ”. Il a aussi promis de “donner leur indépendance aux pouvoirs et aux institutions nationales, bref d’éradiquer la culture de corruption et d’impunité au Guatemala. Morales n’a aucune expérience politique ni de véritable parti organisé pour le soutenir, ainsi que peu de députés au Congrès. Il faudra qu’il s’allie avec un ou d’autres partis et son choix sera un signe de son orientation politique. Le côté plus sombre du nouveau président est que son parti fut créé en 2008 par des vétérans militaires de la guerre civile et qu’il est soutenu par le général José Luis Ayuso, ancien président de l’Association des vétérans et militaires du Guatemala (AVEMILGUA), un groupe d’anciens militaires d’extrême droite. On sait aussi que Morales est un conservateur très religieux, proche des évangéliques. Après sa victoire au premier tour, il avait déclaré que “certains diront que c’est la chance, d’autres que c’est providentiel ; je préfère penser que Dieu nous a aidé et nous a béni.

Jac FORTON