Cet été avec Haïti et la Isla Mínima

L’actualité cinématographique sera riche en productions hispanophones cet été avec la sortie de Port-au-Prince, Dimanche 4 janvier, récit des manifestations étudiantes contre la dictature du président Aristide en 2004 à Haïti, mais également de La Isla Mínima et La Niña de Fuego.

Port-au-Prince, dimanche 4 janvier du réalisateur haïtien François Marthouret. Ce 4 janvier 2004 en Haïti, on célèbre le bicentenaire de la déclaration d’indépendance. Depuis des mois, des manifestations étudiantes et populaires protestent contre la dictature du “Prophète”, le président Jean-Bertrand Aristide. Tout oppose Lucien, étudiant en philosophie, convaincu du succès de la manifestation vers la démocratie, à son jeune frère Little Joe, voyou recruté par les Chimères pour réprimer la marche des étudiants. Ce jour va sceller le destin des deux frères.

Le film est mis en scène par le comédien François Marthouret dont c’est la première réalisation au cinéma. “J’ai souhaité raconter, déclare-t-il, avec réalisme l’alternance de ces moments dans le contexte d’une épopée tragique, rythmée par le rêve de l’étudiant (de l’histoire intime à la grande), dans l’espace d’une matinée. Il ne s’agit ni d’un documentaire ni d’un reportage, mais comment les situations dans leur surgissement racontent les personnages par leurs actions plutôt que de justifier leur vie par des artifices de scénario, laissant l’espace au spectateur pour remplir le film de leurs émotions et de leurs interprétations. Il s’agit ici d’une chronique, d’une fable, d’un film et son langage. Le décalage évident entre Port-Au-Prince et Paris pourrait me servir de prétexte pour aller voir ailleurs si j’y suis. En réalité il nourrit une capacité de découverte et d’interrogation différente, une responsabilité politique et poétique.”

Le film est la libre adaptation du roman de Lyonel Trouillot (paru en 2004 et édité chez Actes Sud), “Bicentenaire, “De tous mes livres “Bicentenaire” est le plus marqué par les images. J’ai participé à ces manifestations. C’est un livre que j’ai écrit pour ne pas oublier. Les images de ces manifestations revenaient sans cesse et je voulais les fixer à jamais. Je travaillais sur un autre livre à l’époque mais “Bicentenaire” s’est imposé d’une certaine manière.”

Le film a été tourné à l’automne 2013 à Port-au-Prince bien entendu mais également sur l’île de la Guadeloupe qui a notamment participé au financement du film. François Marthouret a travaillé avec de jeunes acteurs haïtiens qui sont souvent dans des troupes de théâtre amateur. À Haïti il n’y a pas vraiment d’institutions suffisantes ou de productions cinématographiques qui permettent à ces gens d’en vivre professionnellement. Il a fait sa sélection dans le centre culturel dont s’occupe Lyonel Trouillot.

Disons-le, le film n’est pas complètement réussi. La réalisation est assez efficace, mais les jeunes acteurs surjouent un peu. Tout cela est normal pour une première œuvre. Mais l’intérêt du film est de nous ramener en 2004 aux révoltes sanglantes qui ont réussi en définitive à expulser le dictateur Aristide, le 29 février 2004, qui s’est ensuite exilé en Afrique du Sud, avant de rentrer à Port-au-Prince en 2011. Diverses actions de justice ont été entreprises contre lui mais il reste libre.

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Le magnifique film espagnol La Isla Mínima.

Je profite de cette dernière chronique avant les vacances pour vous recommander deux films espagnols. La Isla Mínima sur les écrans depuis le 15 juillet est un beau polar, la recherche d’un tueur en série, sur lequel plane l’ombre du franquisme. Tourné de manière magnifique dans le delta du Guadalquivir avec ses milliers d’hectares de rizières, de marécages, idéal pour s’y cacher ou s’y perdre, le film d’Alberto Rodríguez a été couronné de 10 Goyas (dont meilleur film, meilleur réalisateur, meilleure image).

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Autre sortie attendue : La niña de fuego de Carlos Vermut, le 12 août, Concha d’or et d’argent à San Sebastián en 2014: un trio (une femme et deux hommes) se retrouve plongé dans un tourbillon de tromperies où la lutte entre la raison et la passion tourne à la guerre des nerfs…

Alain LIATARD