Controverse franco-mexicaine à l’annonce de la visite du président mexicain en France

Alors que François Hollande tisse des liens avec le nouveau gouvernement mexicain, en invitant la présidence mexicaine au défilé du 14 juillet prochain, la presse française et les défenseurs des droits de l’homme sont aux abois.

Enrique Peña Nieto sera l’invité d’honneur à la tribune officielle du président François Hollande le 14 juillet 2015. L’armée mexicaine défilera côte à côte avec l’armée française sur les Champs Élysées. Cet événement symbolique est la suite logique de l’attitude du président français envers son homologue mexicain. En mai dernier, la France organisait la semaine de l’Amérique latine et recevait à l’Élysée les principaux acteurs qui font vivre la culture sud-américaine dans l’hexagone. 2016, comme pour effacer le froissement fait aux Mexicains en 2011, en annulant l’année du Mexique en France, sera l’occasion pour ce pays de s’exposer sous d’autres couleurs que celle de la violence. Petit à petit, les relations bilatérales franco-mexicaines se réchauffent, pour le bonheur des organisateurs culturels de l’hexagone.

Les médias ne voient pas l’événement sous le même angle. Quels sont les objectifs sous-jacents de cette visite officielle ? Les sarcastiques parlent de restrictions budgétaires et donc de mutualisation des armées pour un défilé national raccourci de vingt minutes. D’autres, plus classiquement, évoquent les intérêts relatifs à chacune des parties : formation d’inspecteurs de police calquée sur le modèle français, achat d’hélicoptères pour le transport des soldats mexicains etc.

C’est sur ce dernier point que réside l’ironie de la situation. Le 14 juillet, comme tout citoyen français le sait, symbolise les valeurs démocratiques fondatrices de la nation française. Parmi elles, la liberté d’expression. Liberté qui, selon les médias franco-mexicains, semble bien trop bafouée depuis le début du mandat présidentiel. Difficile d’oublier, selon eux, les répressions sanglantes des autorités mexicaines – armée et police – sur les citoyens mexicains lorsqu’ils prennent le risque de s’exprimer librement. Selon les chiffres officiels, les deux premières années du mandat de Peña Nieto comptent 57 899 morts violentes, chiffre bien ignoré par ce dernier. Plusieurs polémiques ont assombri l’image du président mexicain, à l’instar de la disparition de 46 étudiants mexicains arrêtés par la police lors d’une manifestation le 26 septembre 2014. Plus récemment, le journaliste caricaturiste Luis Cardona était arrêté après avoir publié des informations sur une nouvelle disparition de jeunes personnes, disparition supposée relative aux cartels de drogue du nord du pays.

Partagé entre le souci de renouer des relations bilatérales avec l’Amérique latine, et le devoir de respecter l’engagement des pays européens à ne pas vendre du matériel militaire à des pays où l’armée entreprend des répressions internes, François Hollande questionne ici l’intégrité d’un représentant qui porte des valeurs pour ses concitoyens.

Elisa JUSZCZAK