Le cas de Melissa Lucio, première femme latino condamnée à mort aux Etats-Unis

Ils ne lui restent que quelques semaines de vie à Melissa Lucio condamnée mort au Texas, en prison depuis 2008, après avoir été accusée d’avoir tué sa fille de deux ans. Une histoire sordide et banale de maltraitance infantile qui n’intéressait pas les médias, jusqu’à ce que la réalisatrice franco-américaine Sabrina Van Tassel se penche sur le sujet.

Photo : Brut

La journaliste met en lumière dans un film documentaire qui est sorti le 15 septembre 2021, les failles du système judiciaire américain à travers l’histoire de Melissa Lucio, mère pauvre, condamnée à mort après le décès de sa fille de deux ans et un procès expéditif. La petit Mariah de deux ans a fait une chute mortel d’un escalier et son petit corps était couvert de bleus. Pour le procureur général Armando Villalobos, en plein campagne pour sa réélection avait comme slogan « tolérance zéro », – lui-même étant plus tard accusé de corruption aggravée, elle était la coupable idéale. 

Toute l’accusation repose sur les photos du corps de la petite fille couvert de bleus et des « aveux » arrachés à Melissa après une nuit d’interrogatoire, sans qu’elle n’ait pu ni manger, ni boire, ni dormir. Pourtant, personne n’a jamais vu Melissa maltraiter ses enfants (9 enfants), alors même qu’elle est suivie par les services sociaux depuis plusieurs années, du fait de la précarité dans laquelle vit la famille.

« On m’avait proposé de faire un reportage pour la télé sur les femmes dans le couloir de la mort.  Le Texas autorise les journalistes à interviewer ces personnes. Alors, j’ai contacté les six femmes concernées. Melissa Lucio a accepté de me rencontrer. Je me suis intéressée à son affaire, et j’ai été étonnée de voir que personne ne parlait d’elle, à part deux pauvres articles dans la presse locale. J’ai d’abord contacté sa famille et ils m’ont dit que j‘étais la première journaliste à aller les voir. Tout de suite, ça m’a interpellée. Ils m’ont parlé de la possibilité d’un accident, du procureur général qui avait obtenu la condamnation de Melissa et qui se trouvait lui-même en prison maintenant pour corruption, ainsi que de l’avocat commis d’office qui était parti bosser pour le bureau du procureur après le procès. »

Après sa première interview avec Melissa, Sabrina Van Tassel en est persuadée : il y a quelque chose qui ne va pas dans cette histoire et le procès de Melissa comporte trop de zones d’ombres. Elle décide alors d’enquêter sur cette affaire et de réaliser un documentaire pour le cinéma, dont la sortie en France fut le15 septembre 2021. La journaliste lit les 8 000 pages du dossier, rencontre les avocats successifs de Melissa, ses enfants, sa famille, ses voisins, mais aussi des experts et médecins légistes, pour tenter de comprendre ce qui s’est vraiment passé chez Melissa Lucio en février 2007.

Ce qu’elle découvre, c’est un procès bâclé qui a duré quatre jours, avec un avocat commis d’office qui n’a très clairement pas fait son boulot (et a obtenu une promotion pour rejoindre le bureau du procureur juste ensuite) et très peu de preuves de la culpabilité de Melissa. Et puis, Melissa est, aux yeux de la société américaine, une « coupable idéale ». « Melissa représente beaucoup de choses que l’Amérique déteste : elle est Latina, pas très belle, elle a “trop” d’enfants, vit des aides sociales, se drogue… Quelque part, elle était déjà jugée sur tout ça. Pour la société américaine, elle était déjà coupable, elle n’est personne, alors elle peut disparaître. » conclut Sabrina Van Tassel.

Melissa Lucio a été victime d’agressions sexuelles répétées et de violence familiale tout au long de sa vie. Elle a été agressée sexuellement par un membre de sa famille à partir de l’âge de six ans. Elle se marie à seize ans pour échapper à ses abus, cependant son mari abuse d’elle à son tour, ce qui finit par la faire tomber dans la toxicomanie. Son mari l’abandonne, la laissant seule avec cinq enfants. Au moment des faits, elle vivait avec neuf enfants.

Aussi en France, militante de l’abolition universelle de la peine de mort, l’autrice de BD marmandaise Marie Bardiaux-Vaïente se bat depuis la France pour empêcher l’exécution prochaine de l’Américaine Melissa Lucio. Le 27 avril prochain, aux États-Unis, le Texas exécutera Melissa Lucio. Cette mère de famille hispanique a été condamnée en 2008 pour le meurtre de sa fille de 2 ans, Mariah. Le film L’Etat de Texas contre Melissa, mardi 5 avril 2022, sur Canal+

Olga BARRY

  • Réalisateur : Sabrina Van Tassel Date de sortie : 15 Sep 2021 – Année de production : 2020 – Nationalité : Français – Titre original : L’état du Texas contre Melissa – Festivals et récompenses : Tribeca Film Festival (2020), Cinequest Film Festival (2021), Deauville American Film Festival (2021), L’HIFF – Barcelona International Film Festival (2021, Prix du Meilleur documentaire.