Cette semaine sort en salle « Employé/Patron » du réalisateur uruguayen Manuel Nieto Zas

Nous avions apprécié ce film présenté à la Quinzaine à Cannes de l’an dernier. Après sa présentation dans de multiples festivals de cinéma ces dernières semaines, le film sort en salle le 6 avril prochain.

Photo : Allo Ciné

Tout est dit dans le titre… ou presque. L’employeur est un jeune homme qui a hérité d’une estancia (exploitation agricole) et qui semble avoir tout pour lui. Pourtant il est en proie à une inquiétude : la santé de son bébé. L’employé est lui aussi héritier, mais c’est du métier de péon (ouvrier de ferme). Celui-ci est à la recherche d’un travail pour subvenir aux besoins de son nouveau-né, alors lorsque le premier lui propose de l’embaucher pour travailler dans sa ferme, il n’hésite pas. Le décor est planté.

Le réalisateur uruguayen qui maîtrise parfaitement le contexte rural « gaucho » va échafauder son scénario entre trame contemplative et drame social, en flirtant par moment avec le western… et même le thriller. Faire du cinéma pour Manuel Nieto Zas c’est « rencontrer les personnages que je crée, m’impliquer dans leur vie. Il faut qu’il y ait avec eux une expérience, une sorte d’aventure qui m’enrichisse… », affirme-t-il lors d’une interview au festival de San Sebastián. Malgré leur différences de classe, une relation curieuse va naître entre ces deux hommes, allant même jusqu’à une certaine empathie. Les deux pensent avoir un intérêt commun et en se respectant, ils commencent à travailler ensemble, jusqu’au jour où survient un accident qui va rabattre les cartes et faire se creuser le fossé qui les séparent, d’autant que chez l’employé est ancrée l’idée qu’il est inconcevable qu’on puisse remettre en cause une hiérarchie sociale établie de façon immuable. Ce rôle est interprété par Christian Borges, jeune acteur très convaincant, tandis que l’employeur est joué par Nahuel Pérez Biscayart que le public français a découvert avec 120 battements par minute.

Le réalisme d’un cadre bucolique avec peu de dialogues va laisser la place à une tragédie sociale. Les épouses des deux protagonistes sont également des personnages clés du film. Au début, il semble que leurs rôles soient plutôt secondaires, mais, petit à petit, elles prennent de l’importance. Toujours à San Sebastián, Manuel Nieto Zas affirme : « Au moment où ils parviennent à un accord, le conflit que je voulais créer dans le film s’épuise. Pour garder la tension jusqu’au bout, ce sont elles qui prennent les rênes et entretiennent ce malaise jusqu’à la dernière minute. De plus, elles osent dire de grandes vérités, ce qui manque aux hommes… ». L’intérêt du film repose aussi sur l’interprétation des patrons par des acteurs professionnels argentins et des ouvriers par des non professionnels uruguayens. Pourront-ils dépasser le déterminisme et l’affrontements de classes ?

Le réalisateur Manuel Nieto Zas (Montevideo, 1972) fait partie de la nouvelle génération du cinéma uruguayen. En 2006, il écrit et réalise son premier long-métrage La Perrera (La Meute) qui reçoit le prix Tiger au festival de Rotterdam. En 2007, il fonde sa propre société de production Roken Films, ce qui lui permet de produire en 2013 El Lugar del Hijo qu’il a lui-même écrit et réalisé. El Empleado y el Patrón, sélectionné en 2021 à la Quinzaine des Réalisateurs de Cannes, est son troisième long-métrage.

Le rôle du patron est tenu par un acteur Nahuel Pérez Biscayart qui n’est pas inconnu des écrans français. Depuis quelques années, Nahuel Pérez Biscayart s’est en effet émancipé de son Argentine natale (Buenos Aires, 1986) pour une belle carrière inter- nationale. En 2018, il est « Césarisé » comme Meilleur espoir masculin pour 120 battements par minute. Après El Empleado y el Patrón et Les Leçons Persanes de Vadim Perelman, on pourra également le retrouver dans un film d’Isaki Lacuesta, Un Año una Noche, dans lequel il interprète un survivant de l’attaque terroriste du Bataclan en novembre 2015.

Michel DULAC – Alain LIATARD