La grande actrice portugaise Maria de Medeiros arrive en salle avec un nouveau film « A nos enfants »

Vera, qui a combattu la dictature dans les années 1970, s’occupe aujourd’hui d’un orphelinat à Rio pour enfants séropositifs. Sa fille, Tania, essaye depuis plusieurs mois, avec sa compagne, Vanessa, d’avoir un enfant par PMA. Entre les deux femmes, un fossé s’est creusé…

Photo : Allociné

La pièce de Laura Castro, comédienne qui joue, d’ailleurs, le rôle de Tania dans le film, est à l’origine d’À nos enfants. Une pièce que Maria de Meideros, grande artiste portugaise, a elle-même jouée au Brésil. « J’ai reçu la pièce en 2013. C’est un dialogue entre une mère et sa fille, pendant un long dîner assez arrosé. La mère est tout sauf une conservatrice, elle est passée par la guérilla, la prison, la torture, l’exil. Aujourd’hui elle s’occupe d’orphelins séropositifs. Quand sa fille vient lui annoncer qu’elle attend un bébé, la mère pense d’abord qu’elle est désormais hétérosexuelle. Non, lui répond sa fille : le bébé est dans le ventre de ma compagne. Mais l’ouverture d’esprit de cette a ses limites… C’est un dialogue entre deux personnages très intelligents, qui ont des arguments aussi valables d’un côté comme de l’autre… Le tournage a eu lieu en 2018. Il s’est achevé précisément entre les deux tours de cette terrible élection présidentielle, quand la menace Bolsonaro se précisait. Je me souviens un jour d’être arrivée sur le plateau et d’avoir découvert l’équipe en pleurs face à ce qui était en train d’advenir. Le scénario du film s’est d’ailleurs assombri progressivement, à mesure que les nuages s’amoncelaient sur le pays. La grande différence entre la pièce et le scénario, c’est que l’on a renforcé le jeu de miroirs entre les deux personnages… Toute l’histoire de Vera avec le fils disparu est nouvelle. C’était important pourmoi de parler des disparus. »

L’orphelinat existe vraiment, mais il a été déplacé pour le film : « Je voulais évoquer les mutations urbaines au Brésil. Souvent, au cinéma, l’image de Rio de Janeiro, c’est soit la carte postale touristique, soit le crime, les favelas sans loi. Or, ce n’est pas ce dont j’ai été la témoin : les années Lula ont permis l’ascension d’une partie de la classe populaire en classe moyenne. Mais aujourd’hui, des infirmières, des fonctionnaires, toute une partie de la classe moyenne ne peut plus se loger que dans les favelas. La classe dominante a horreur de la mixité. » Le moment où des centaines de cafards sont attirés par une perte des eaux est bien réel, de même que le crocodile placé sur des femmes nues ; tout cela vient des témoignages.

Pour Vera, son passé et la dictature sont entremêlés de cauchemars et de souvenirs. Pour elle, les cafards annoncent aussi l’arrivée du fascisme actuel au Brésil. Sa fille Tania est davantage ancrée dans un présent que le film remet en question : en effet, il confronte le problème du taux élevé d’enfants abandonnés au Brésil face à la volonté d’une procréation médicalement assistée. Maria de Meideros est née à Lisbonne et a débuté sa carrière d’artiste en tant que comédienne. Elle a réalisé par la suite son premier long-métrage : Capitaines d’Avril. Celui-ci a été sélectionné au Festival de Cannes et a obtenu plusieurs prix internationaux. Tout en se plaçant des deux côtés de la caméra, et passant de la fiction au documentaire, elle a poursuivi son travail au théâtre et s’est essayé à la musique comme chanteuse et compositrice. Présenté dans de nombreux festivals, le film sort le 24 février.

Alain LIATARD

À nos enfants , drame de Maria de Medeiros (Brésil), 107 min.