Un destin hors normes : Ingrid Betancourt candidate aux présidentielle en Colombie

Vingt ans après avoir été enlevée et retenue en otage pendant six ans par la guérilla des FARC, la Franco-Colombienne Ingrid Betancourt a annoncé mardi son intention de prendre part à l’élection présidentielle prévue au printemps 2022 en Colombie. «Je vais travailler sans relâche à partir de maintenant, du matin au soir, pour être votre présidente», a déclaré Ingrid Betancourt au cours d’une conférence de presse publiée par le journal suisse Le Temps.

Photo : El Tiempo

À la tête du petit parti écologiste Vert Oxygène, l’ancienne otage de 59 ans participera à une « primaire » organisée pour départager les candidats d’une coalition centriste, la « Coalition de l’Espérance ». En cas de victoire, elle représentera le centre aux élections présidentielles du 29 mai. Ce courant politique représente une alternative au sein d’un système politique qui se structure selon une opposition entre la droite au pouvoir et la gauche. Cette dernière étant représentée par l’ancien maire de Bogotá et ancien guérillero Gustavo Petro, qui se place à la tête des derniers sondages. « Pendant des décennies, nous n’avons eu que des élections avec de mauvais résultats : extrême droite, extrême gauche. Il est grand temps d’avoir une victoire centriste », a souligné la candidate. Parmi les objectifs qu’elle s’est fixés se trouvent la lutte contre l’insécurité et contribuer à réduire la pollution. « Je crois en un monde où la femme a voix au chapitre ». «Aujourd’hui, je suis ici pour terminer ce que j’ai commencé avec beaucoup d’entre vous en 2002. Avec la conviction que la Colombie est désormais prête à changer de cap », a-t-elle déclaré, faisant allusion à ses six années de détention dans la jungle.

Un destin hors normes

Ingrid Betancourt avait été kidnappée par la guérilla marxiste des Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC) alors qu’elle se trouvait en pleine campagne présidentielle. Elle a été secourue en 2008 lors de l’opération militaire nommée « Jaque ». Depuis, elle vit à l’étranger, séjournant régulièrement en Colombie où elle prend souvent part dans les débats publics. Le mardi dernier, la Franco-Colombienne s’est également exprimée sur les 36 millions de dollars de réparation financière qu’exige la justice américaine auprès des FARC, ayant jugée le groupe maintenant dissout responsable de l’enlèvement. « Nous avons pris souvent l’habitude de penser que demander justice est devenu abusif (…). Je suis venue aujourd’hui pour demander que chaque fils, que chaque fille, que chaque père et que chaque mère soient indemnisés, indemnisés et indemnisés », a dit la candidate avec martèlement.

Des demandes polémiques

Un tribunal fédéral de Pennsylvanie (nord-est des États-Unis) a jugé le 4 janvier que le fils de l’ancienne otage – né en 1988 de sa première union avec le Français Fabrice Delloye –, « avait droit à une indemnisation de 12 millions de dollars et qu’elle serait triplée en raison des frais d’avocats », soit plus de 36 millions de dollars. Lawrence Betancourt, connu aussi comme Lorenzo, possède la nationalité américaine et avait déposé plainte au tribunal civil américain en juin 2018, contre 14 anciens responsables des FARC. La plupart d’entre eux sont présumés morts aujourd’hui ou ont rejoint des dissidences présents dans les jungles. En 2010, Ingrid Betancourt avait demandé une compensation à l’État colombien pour ne pas avoir garanti sa sécurité, mais elle avait renoncé face aux critiques.

« On m’a accusée d’avoir été ingrate, opportuniste, avide (…). Mais le système corrompu qui règne dans notre pays ne reconnaît que les droits des bandits », a-t-elle réprimandé. Elle dit attendre, comme les autres victimes, « vérité, justice et réparation » ; ainsi que des enquêtes menées par le Tribunal de Paix (JEP), mis en place par l’accord de 2016 qui a mis fin au conflit de plus d’un demi-siècle avec la guérilla marxiste. Selon cet accord, ceux qui avouent leurs crimes et réparent les dommages causés aux victimes de guerre pourront éviter la prison. À défaut, ils risquent des peines allant jusqu’à vingt ans de réclusion.

D’après Le Temps (Suisse)

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