Crise politique au Pérou : un cabinet ministériel renouvelé pour la quatrième fois en six mois

Pour la quatrième fois depuis le début de son mandat, Pedro Castillo, le président péruvien, change de gouvernement. Il l’a annoncé le 8 février, et ce alors que le premier ministre en place ne l’était que depuis le 1er février. La crise politique caractérisant ce début de mandat inquiète les médias et les Péruviens, et bat des records avec quatre premiers ministres en six mois… 

Photo : La Semana

Le 8 février 2022 donc, Pedro Castillo nomme le quatrième premier ministre avec lequel il sera amené à travailler au cours de son « jeune » mandat. Les différents journaux occidentaux parlent tour à tour de « chaos politique », « crise politique » et autres titres phares qui ne donnent pas une image positive du gouvernement de cet homme en qui les Péruviens plaçaient, à la suite des résultats des élections présidentielles, tous leurs espoirs. Le nouveau premier ministre Anibal Torres a pris ses fonctions le 8 février, il s’agit d’un avocat indépendant proche du président et du parti Perú Libre qu’il avait défendu à l’occasion de l’annonce de fraude électorale par Keiko Fujimori lors des élections présidentielles. Depuis le début de la présidence Castillo, Anibal Torres occupait le poste de ministre de la Justice et des Droits de l’Homme.   

Et le nouveau premier ministre ne semble ni rassurer, ni plaire davantage aux médias, comme à la population ou à d’autres politiques. Le quotidien d’opposition Perú21 dénonce par exemple l’autoritarisme du nouveau premier ministre, en allusion à sa proximité avec Perú Libre mais aussi à ses méthodes. Le vice-ministre de la Justice a lui démissionné juste avant le changement de gouvernement en dénonçant « l’autoritarisme, le mépris du travail technique et les mauvais traitements injustifiés envers les professionnels » du ministère. 

Castillo avait demandé à son ex premier ministre de faire ses valises et pour causes des révélations de la presse à propos de violences qu’il aurait commis contre son épouse et sa fille. Il n’avait pas fait long feu en occupant la tête du cabinet ministériel seulement du 1er au 8 février 2022. Le dénommé Hector Valer a été élu député en avril 2021 au Congrès sous l’étiquette du parti ultraconservateur Renovación Popular et s’est dit membre de l’Opus Dei, d’où des opinions naissantes parlant d’un virage du gouvernement de Castillo vers le conservatisme social. 

Une crise de confiance est maintenant, et depuis plusieurs semaines, largement installée au sein du gouvernement de Pedro Castillo. Après le départ de Guido Bellido le 6 octobre 2021 dont la figure était entachée de nombreux scandales et dont la nomination n’avait pas plu à de nombreux politiques, c’est au tour de sa successeuse Mirhta Vásquez, militante des droits humains et de l’environnement, de quitter la présidence du cabinet ministériel le 1er février 2022. Cependant, Mirhta Vásquez est, elle, partie par déception envers son président. Elle lui reprochait conjointement à l’ex-ministre de l’Intérieur Avelino Guillén de ne pas s’attaquer à la corruption qui constituait pourtant un des grands axes de sa campagne. Et ils parlent en connaissance de cause étant donné qu’Avelino Guillén est l’ex-procureur anticorruption ainsi qu’une figure publique respectée, connu pour son rôle dans les procès contre l’ex-autocrate Alberto Fujimori. Plus précisément, des désaccords sur la nomination à des postes clés de la police nationale, ainsi que la demande de Avelino Guillén ignorée par Pedro Castillo de révoquer le commandant général, sur fond de soupçons de corruption sont à l’origine de la rupture entre les deux hommes. 

En outre, Castillo a déjà été impliqué dans trois scandales de corruption, dont un important qui est sous les projecteurs des médias ces derniers jours, lié à l’entreprise publique Petroperú. Début janvier une première enquête avait été ouverte contre le président Castillo pour être intervenu dans le cadre d’affaires d’appels d’offres entre entreprises afin d’avantager une société au profit d’autres. Mais la procédure est suspendue jusqu’à la fin du mandat présidentiel de cinq ans, soit 2026, du fait de l’« immunité absolue » que lui confère sa fonction. 

L’instabilité politique se voit aussi dans l’incapacité jusqu’alors de Castillo de forger des alliances au sein du parlement afin de pouvoir faire passer ses réformes alors qu’il ne dispose pas de la majorité à la Chambre des députés. Alors que le Pérou présente le taux de mortalité le plus élevé au monde à cause de la Covid-19 et qu’une marée noire a obligé Lima à déclarer l’urgence environnementale, nous nous demandons comment Pedro Castillo pourra gérer ces crises et s’il saura redonner confiance à ses ministres et son peuple. Affaire à suivre ! 

Julie DUCOS